Chapitre 41

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Sa dernière journée de repos lui a fait un bien fou, et elle arrive au travail totalement détendue, prête à affronter les six rendez-vous qu'elle a dans les treize prochaines heures.

- Des nouvelles à me donner avant le premier ? demande-t-elle à sa secrétaire en prenant une chemise de dossiers à signer.

- Non... tout va bien ?

- Oui, pourquoi ?

- On m'a dit que vous aviez dû aller à un enterrement...

Hope rit franchement.

- Ce n'était pas une grande perte ! dit-elle en quittant la pièce.

Himeko cligne de nombreuses fois des yeux. Sa patronne vient réellement de dire ce genre de choses ? Peut-être devrait-elle appeler un médecin, en fin de compte.

La directrice entre dans la salle de réunion ouverte après avoir toqué rapidement à la porte. Elle est déjà occupée par trois personnes. Son rendez-vous, son avocat à lui, et son avocat à elle.

- Alors, monsieur Tadami. Si nous reparlions de cette modification de contrat ?

L'homme assit en face d'elle est âgé d'une soixantaine d'années, et rien n'indique que ses épaules voutées aient la capacité de se plier d'avantage. Pourtant, il semble perdre quelques centimètres encore.

- Hum. Vous vouliez... ne pas perdre votre restaurent ? lit-elle surprise. C'est bien ça ?

La note laissée par son assistante est claire, mais elle a du mal à en croire ses yeux.

Il acquiesce.

- Mais je ne veux pas vous le voler.

- Ecoutez. Je sais que vous risquez de ne pas comprendre, peut-être parce que vous êtes jeune, mais cet établissement, c'est toute ma vie.

- Hum.

Elle referme le dossier.

- Messieurs, pourriez-vous nous laisser un moment ?

Un peu surprit, l'homme qui travaille pour elle se lève, pour rejoindre la porte. Le second avocat quitte la pièce après une hésitation plus longue, mais avec l'accord visuel de son client.

Hope se lève pour refermer la porte et baisser les stores donnant sur les autres bureaux.

- Je vais être claire, monsieur Tadami. Je ne suis pas une voleuse. Si l'accord que j'ai signé avec votre fils ne convient pas, nous allons le résilier, il n'y a pas de soucis. C'est encore votre restaurent, il n'appartient pas encore à votre fils. Mais je voudrais vous poser une question indiscrète. Sait-il que vous êtes ici ?

- Pas le moins du monde.

- Je vois. Vous avez hérité de ce restaurent, si je me souviens bien.

- Oui.

- Vous faites toujours des ramens d'aussi bonne qualité qu'à son ouverture, vous pensez ? demande-t-elle en se rasseyant.

- Bien sûr que oui ! c'est mon père qui m'a appris à les faires. J'ai moi-même formé les quatre personnes qui sont dans mes cuisines, et mon fils.

L'homme fronce les sourcils.

- Elle se moque de moi ?

- Je peux vous demander quelles sont celles qui vous rapportent le plus, selon vous ?

- Non.

- Hum.

Elle plisse les yeux.

- Je pense que nous devons discuter avec votre fils. Je propose de passer ce midi, pour déjeuner. Qu'en pensez-vous ? Nous en sommes jamais plus à l'aise pour parler cuisine que lorsque nous sommes devant le plat concerné.

Hope se mord la lèvre.

- Qu'est ce que je dis, moi ? Ils sont fermés le mercredi ! Je devrais pourtant le savoir !

- Ce midi...

- Ou demain midi. Je peux comprendre que vous ne soyez pas disponibles. Vous n'êtes pas à ma disposition, non-plus.

- Ce midi ira. Vous serez notre seule cliente, ce sera plus simple.

- Vu comme ça... Très bien, je serais devant votre enseigne à midi pile.

- Nous vous y attendrons, répond-il sobrement.

Ils se serrent la main et elle lui dit :

- Je ne sais pas si vous me croirez, mais sachez que je ne tente pas de vous prendre votre restaurent de force. Si ma proposition ne vous plaît pas, je m'en irais et c'est tout. Mais je ne vous laisserais pas croire que vous n'êtes qu'un chiffre d'affaire que j'achète. Ou que je vole. Je veux au moins être au clair là-dessus.

- Nous verrons cela.

Il quitte la salle et elle soupire.

- Quelle journée de merde.

Seijuro arrive à peine à l'heure, qu'il est déjà convoqué par son père dans son bureau.

- Je ne savais pas qu'il te fallait des jours de repos pour te remettre d'un échec, aussi cuisant soit-il, grince l'homme sans le regarder.

- Bonjour père. Je vais bien, et vous ?

- J'ai eu les parents de Sumire au téléphone. Figure-toi qu'elle ne veut pas d'un perdant. Surtout quand il n'est même pas capable de prendre soin d'elle ou de la défendre. Selon ses propres mots.

- Son comportement était déplacé, je n'ai pas jugé utile de la protéger de quelqu'un qui s'est défendu de son attitude.

- Je ne t'ai pas demandé de l'apprécier, ou de te comporter comme un bon ami, je voulais que tu comprennes que la vie n'est pas un jeu. Et c'est raté.

- La vie est un jeu, père. Aucun coup n'est jamais prit à la légère. Et ce n'est surtout pas dans mes habitudes, répond-il froissé. Je ne fais pas n'importe quoi, chacune de mes actions est réfléchie. Quant à cette adolescente énamourée, qu'elle se trouve quelqu'un d'autre à martyriser. Il est hors de question que je ne me laisse marcher dessus par qui que ce soit.

Le message intrinsèque de sa phrase semble être passé, puisque son père se tourne enfin vers lui.

- L'échec n'est pas permis dans notre famille. Merci de ne pas douter de ma compréhension face à cela. Je suis un Akashi, pas le premier venu. Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, j'ai d'importants rendez-vous à honorer.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant