Chapitre 53

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- Et vous êtes fiancés ?

- Non. Pas encore.

Seijuro n'est pas de nature loquace. Le reste de sa famille non-plu. Le diner est presque trop silencieux.

Hope quant à elle n'ouvre pas la bouche. On ne lui adresse pas la parole, on se contente de la regarder comme une bête curieuse.

Tant mieux. Manger en silence, elle sait faire.

Jusqu'à ce qu'une femme travaillant au service ne se casse la figure sur ses genoux.

- Il faut le voir pour le croire. Vous allez bien ? demande-t-elle.

Seijuro ferme brièvement les yeux, en se demandant si c'est une scène de mauvais livre qui se déroule devant lui. Hope ne peut pas quitter la table, et se retrouve avec de la salade sous les pieds, et de la vinaigrette sur les cuisses.

Mais elle s'essuie méthodiquement, silencieusement, et en prenant soin de ne pas se plaindre.

Avant de reprendre tranquillement son diner.

Personne ne fait de commentaires.

Super.

Quand elle se lève, on la laisse aller se coucher, même si Seijuro ne peut la rejoindre que deux heures plus tard.

- Elle va être virée.

- Oui.

Elle ferme les yeux.

- Elle est couchée ?

- Je ne sais pas, Hope.

Elle se relève d'un coup.

- Tu dois dormir.

- Je ne suis pas sûre. Moi je peux craquer. Pas toi. Dors. Je ne fais pas de trop grosses bêtises, c'est promis.

Il la regarde partir, assit sur le rebord du lit.

- Je suis désolée. Mais il y a des limites à ce que je peux supporter. Excusez-moi. Je cherche le dortoir des domestiques, s'il-vous-plaît.

L'homme qu'elle vient d'arrêter la fixe, avant de soupirer faiblement.

- Je ne suis pas sûr de pouvoir vous y emmener, mademoiselle.

- Je ne suis pas sûre de pouvoir vous aider à retrouver un travail maintenant que toute la maison est au courant de ce que je vous ai demandé.

Il la regarde longuement cette fois.

- Je travaille dans cette famille depuis très longtemps.

- Pas assez.

Elle le regarde à son tour. Il est grand, fin, et surtout plutôt gris. Elle ne sait pas encore ce qu'elle peut lui trouver comme place, mais si elle décide qu'il en aura une, il en aura une. Et cette femme aussi. Il n'y a pas de raisons.

- Quand on fait des coups bas, on les assume.

Hope ne revient auprès de lui qu'une bonne heure et demie plus tard. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il réalise qu'elle s'est promenée dans tout le manoir en chemise de nuit.

- Demain, je te préviens, avec ce que tu viens de faire, c'est Noël.

Elle se blottit dans ses bras avec un sourire.

- Je suis désolée.

- C'est rien. J'espère juste que ton vrai toi leur plaira.

- Ils vont le détester.

- Ils détestent tout le monde.

C'est comme ça qu'elle se lève : dans ses bras, et avec un petit sourire.

- Tout va bien ?

Il a déjà les sourcils froncés, et un air soucieux.

- Tout va bien, oui.

Il la serre un peu plus fort, avant de se lever.

Ils descendent dans le hall pour constater que tout le monde est partit.

- Où sont-ils.

L'homme de la veille au soir répond à « Monsieur » :

- Partis à la mer, monsieur. Ils ne voulaient pas vous déranger de si bonne heure. Ils seront rentrés pour le déjeuner.

- Merci.

Ça ne lui semble pas si étrange que ça. Ils les ont tout simplement laissés sur le carreau. Tant pis.

- Je te propose de déjeuner dans la salle à manger, et d'aller danser ensuite.

Elle le regarde, perdue.

- Danser ?

- Nous avons une salle de bal. C'est vrai qu'elle est mieux pleine, mais j'aime danser avec toi.

Elle sourit.

- J'ai le droit de rester en pantalon ?

- Bien sûr. Mais s'il-te-plaît, mets des chaussures.

Il est midi moins le quart, quand tout le petit monde qui a dormit au manoir revient.

- Pourquoi il y a de la musique ? demande la grand-mère en enlevant son manteau.

- Monsieur a demandé à danser avec mademoiselle, madame.

Ils sont sept à arriver dans la salle de bal, pour les voir valser, à la française.

- Je ne savais pas que c'était aussi simple. J'aurais appris avant, sinon.

- Il n'y a que pour toi que c'est aussi simple, Hope.

Elle sourit.

- C'est parce que je suis géniale.

Ils ne les ont pas encore vus.

- Ça, c'est ma réplique.

- Mais il te fallait forcément quelqu'un de génial, argumente-t-elle.

- C'est surtout un plaisir immédiat de ne pas me faire marcher sur les pieds.

Hope pourrait rire, si elle ne les voit pas.

D'ailleurs, c'est le moment que son téléphone choisit pour sonner.

- Et merde. Si ça sonne...

Elle le sort de sa poche et décroche d'une voix sèche :

- Hozen, j'écoute.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant