L'homme assit par terre, qui est accessoirement le seul chef en cuisine en l'absence de son sous-chef, s'est brûlé, et la douleur a dû le faire asseoir. Du coup, lorsque les commis ont terminé leurs tâches, la cuisine s'est figée, en attendant une suite d'ordre que l'homme n'est plus en mesure de donner.
C'est une catastrophe. Le buffet va se vider, le chef est h.s., et elle ne peut faire appel à aucun chef de son entreprise pour le remplacer.
- Montrez-moi.
- Ne vous en faites pas, ça va aller, je vais y retourner...
- Non. C'est une brûlure au deuxième degré. Vous allez aller à l'hôpital.
Elle se lève, attrape le téléphone fixe accroché au mur, cherche dans sa mémoire le numéro de son coursier, et lui demande de venir chercher le Chef à la sortie du personnel.
- Qu'on me trouve un uniforme de taille M et des chaussures en 40. Il me faut aussi des chaussettes. Merci.
On la de visage, elle met son buste en avant et commence :
- Est-ce que vous comptez me dévisager encore longtemps ou je dois considérer que vous êtes sur votre temps de pause ? Je veux que les petits fours à la tomate soient faits en priorité. Les verrines au saumon ensuite. Celles au poivron n'ont pas vraiment de succès, n'en refaites que trente.
- Je... j'ai vos affaires... mademoiselle...
- Merci. Je vais me changer. Vous avez cinq minutes pour rattraper contre retard. Mettez moi aussi des pommes de terre à cuire pour les beignets.
Elle sort, pour revenir cinq minutes ensuite, les cheveux détachés à moitié de la coiffure d'origine, pour quelque chose de moins bancal sur le sommet de sa tête. Elle a aussi laissé ses bijoux dans la petite pièce, pour être sûre qu'ils ne la gênent pas.
- Alors ? La suite ?
On frappe et entre dans la cuisine. Elle se retourne, et fronce les sourcils.
- Qu'est ce que tu fais là ?
Plusieurs commis la regardent, sidérés. Qui est cette femme qui sort leur chef de cuisine pour le remplacer et qui parle de cette manière à Seijuro Akashi lui-même ?
- Je m'inquiétais.
- Tout va bien, je gère. Donnez-moi ça.
Elle attrape le bol d'un cuisinier trop tremblant pour monter la mayonnaise. Elle parvient à rattraper la chose et dit sobrement :
- Je vous signale que nous avons un robot batteur pour ce genre de chose.
- Il... Il est sale, mademoiselle...
- Parce que vous ne savez pas faire la vaisselle ? Amenez-moi les outils utilisés, je vais m'en occuper.
- Que se passe-t-il ?
- Mon chef s'est brûlé. Je le remplace.
- Ton chef ?
- C'est mon entreprise qui s'occupe de la cuisine et du service aujourd'hui, répond-elle. Je veux que ce soit parfait. Il est hors de question que je me fasse démonter sur quelque chose d'aussi simple que de la cuisine.
Elle enchaîne le nettoyage des bols, couteaux, planches, sans s'arrêter.
Seijuro attrape un torchon et essuie le plus efficacement possible la vaisselle qui s'empile, sans que personne n'osent s'approcher.
- Quelqu'un vient ranger ? demande-t-il soudainement.
Il doit retirer sa veste pour suivre le rythme, et elle lui dit :
- Tu n'es pas obligé de le faire.
- Je te donne un coup de main fatiguant ou je retourne là-haut et je me pends en rentrant.
Elle rit doucement.
- Reste parmi nous, Seijuro.
- Ne t'en fais pas. On va vite rattraper le retard.
Elle acquiesce.
- Merci.
Elle vite enfin l'évier, et elle peut s'essuyer les mains à présent fripées.
- Vous avez des tartelettes ? se souvient-elle.
On se regarde, on secoue la tête, mais personne n'ose répondre.
- D'accord. Il me faut la pâte, les légumes que vous avez préparés ce matin pour ça et des œufs, du lait, du beurre. Exécution.
Deux personnes se ruent sur la chambre froide pour accéder à sa requête, tandis qu'elle prépare son plan de travail et sort des moules.
- Ça se passe toujours comme ça en cuisine ?
Elle secoue la tête
- Non, ça, c'est exactement ce qu'il ne faut pas faire en cuisine. Ils font n'importe quoi. Je pensais que le chef avait bien choisis ses commis, mais ils ne supportent pas la pression, ils gênent et se gênent plus qu'autre chose. Ça ne se reproduira plus.
Il pose le torchon et déroule ses manches.
- Je suis désolé, mais je dois remonter.
- Bon courage.
- Je te tiens au courant si ton absence pose problème.
- Merci.
Il attrape sa veste au passage et sort de la chaudière.
- Je ne sais pas comment elle fait pour supporter autant de bordel dans la même pièce.
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La Plume Et L'Archet
Fiksi PenggemarQuand il la rencontre pour la première fois, il ne se doute pas de l'impact qu'elle aura sur sa vie. La perfection est un critère de taille, quand on vient de l'illustre famille Akashi, si bien qu'il ne s'en formalise plus vraiment. Mais étouffant p...