La Plume Et L'Archet

Chapitre 50

Elle n'a pas posé un pied hors de la voiture qu'une paire d'yeux la regarde.

Hope sait qu'elle aurait dû laisser Seijuro conduire, ou quelqu'un d'autre. Quelqu'un de payé pour ça. Mais ce n'est toujours pas possible. Elle est obligée de tenir le volant si elle monte dans une voiture. C'est comme ça, elle n'y peut rien.

Seijuro a prévenu son père deux jours avant, qu'il amenait une femme avec lui, histoire de ne pas faire de scandale trop tôt, ou trop tard.

Un homme en costume s'approche pour prendre les clefs de la voiture, tandis qu'un autre vient prendre leurs bagages, et Hope se laisse faire, comme si c'était une habitude, prenant soin de détailler le manoir non pas comme s'il était magnifique, ce qui était pourtant le cas, mais comme s'il avait de la valeur, ce qui était tout aussi vrai.

-C'est énorme. Je comprends que Seijuro veuille vivre ici quand son père quittera les lieux.

Ils passent la porte.

-Mais cest terriblement sinistre.

Elle retire son manteau, en même temps que lui, et une main s'en saisit.

-Bienvenue. Mon fils.

-Bonjour, père.

Hope s'incline légèrement, sans rien dire.

On ne lui a pas adressé la parole, elle ne doit rien dire.

L'homme qui descend les escaliers la fixe tout au long de sa descente, les traits tirés.

-Hope Hozen.

Elle s'est redressée, et acquiesce dun hochement volontaire.

-Oui monsieur. Merci de m'accueillir chez vous.

-Vous devriez être plutôt être désolée pour lintrusion.

Elle répond, d'un ton plat :

-Pardonnez-moi. Je ne souhaitais pas être impolie. L'acceptation de ma présence m'a fait croire que je ne vous dérangeais pas.

-Hum.

Hope pourrait se mordre la lèvre. Elle a trop parlé. Elle n'est pas assez en retrait par rapport à Seijuro, elle ne tiendra pas la semaine s'il faut qu'elle fasse attention à chacun de ses mouvements comme ça.

-Tant pis. On va lâcher du lest. J'ai peut-être un peu trop sous-estimé l'adversaire. Ou alors Sei a raison, et je suis très orgueilleuse.

-Puisque vous êtes là on ne va pas vous mettre dehors.

Elle sent son compagnon se détendre imperceptiblement. Ses mains sont moins droites. Tant mieux. Ça veut dire que pour le moment, ça passe.

-Je dois mieux étudier leur comportement pour agir correctement en toutes circonstances. Je dois être parfaite.

Elle les suit jusque dans le salon, où quelques personnes sont déjà là elles aussi.

-Je te laisse présenter ton invité, dit calmement Masaomi Akashi en allant sasseoir.

-Bien sûr.

Seijuro tourne à peine la tête vers Hope qu'elle est déjà à côté de lui.

-Grand-mère, ma tante, Chinami, je vous présente Hope Hozen. Hope est ma compagne.

Elle se fait scruter par les trois femmes, tout en s'inclinant à nouveau.

-Enchantée, mesdames.

Elle sait qui elles sont toutes les trois pour Seijuro : sa grand-mère, la sur de son père, et la fille de sa tante. Aucune n'ayant d'homme à ses côté. Sur le moment, du moins. Le mari de la première étant décédé, celui de la seconde ayant été exclu de la famille par un divorce, et le fiancé de la dernière n'arrivant que l'après-midi, ou un jour après encore.

-Elle est masculine, remarque la tante sèchement.

Hope se redresse.

-Je sais. Je suis une femme d'affaire, directrice de sa propre entreprise, chef de cuisine. J'ai grandis au près de mon frère et dans certains petits quartiers. Il y a mieux pour devenir une bourgeoise digne de ce nom.

-Mis à part le nom et l'argent je ne vois pas ce que tu lui trouve.

Seijuro répond platement à sa tante :

-La tranquillité.

-Hum

Peu convaincue, elle se tait néanmoins.

Celle dont Hope se méfie le plus, c'est de la grand-mère, qui pourrait presque ressembler à une personne bienveillante, même si on peut sentir que la cousine va bientôt dépasser le maître.

Mais elle a beau être « masculine », pour les femmes assises ici, elles ne se doutent pas une seule seconde que cest même pire que ça. Hope est l'exemple même des hommes de la famille. Si elle nétait pas née femme, elle aurait été parfaite. Voire...

Pire.

-Nous sommes heureuses de vous accueillir parmi nous pour ces fêtes de fin dannées, dit la grand-mère dune voix douce. Veuillez prendre vos aises. Vous êtes ici chez vous.

Hope s'incline une nouvelle fois.

-Merci, madame.

La grand-mère s'adresse cette fois à son fils et à son petit fils.

-Le bon côté des choses, cest quelle ne ressemble pas à une pimbêche.

-Merci grand-mère...