Chapitre 14

674 43 0
                                    

Hope passe l'une de ces semaines que l'on regrette très facilement de passer, dès que les ennuis s'enchaînent assez pour vous faire perdre le sommeil trois jours de suite. 

Pour être franche, elle n'a pas vu son lit depuis le début de la semaine, se contentant de brèves siestes dans sa voiture ou sur son fauteuil de bureau, entre deux réunions ou appels téléphoniques.

- C'est une catastrophe. Si je ne me reprends pas rapidement, ma santé va y passer...

Mais elle sourit malicieusement à l'objectif, qui prend sûrement les plus belles photos de la capitale, pour mettre sur son site internet ou donner aux journalistes qui ont besoin d'un photo récente lorsqu'elle n'a pas le temps de la faire.

Elle a dû mettre une tonne de maquillage pour cacher son teint blafard, mais elle se sait superbe sur ces photos. De toute façon, on ne voit que très rarement son visage, malgré que ce soit un portraitiste qu'elle ai engagé. L'homme fait tourner son appareil, et d'un geste habituel, elle attrape le coin de son chapeau, sans cacher ses lèvres rouges.

Si Hope entretient autant de mystère sur elle, c'est parce qu'elle ne veut pas que qui que ce soit ne s'immisse dans sa vie. Elle a une entreprise fleurissante, est un écrivain traduit dans une dizaine de langues dont trois par elle-même, est une Cheffe de cuisine respectée par ses employés, et un entraîneur de basket pour enfants dans un petit quartier. Et tout ça, sans qu'aucun de ces métiers ne se chevauche. Pour ainsi dire, presque personne ne sait qu'elle se cache derrière ces quatre identités au nom bien différent.

- Super ! C'était la dernière !

Elle remercie le photographe d'un signe de tête et tire sur sa cravate mécaniquement. 

A une époque, son père avait un restaurent. Mais lorsqu'il est décédé et n'a mis que sa fille sur l'héritage avec l'espoir qu'elle le refuse pour ne pas crouler sous les dettes, elle n'a pas hésité une seconde à utiliser tout ce qu'elle avait gagné grâce à son premier livre pour tout rembourser, et tout remettre en ordre.

Plusieurs années d'université plus tard, elle dirigeait elle-même la cuisine, sans en avoir la formation, avec pourtant des connaissances suffisantes pour lui permettre d'acheter un second établissement, en complétant avec l'avance obtenue pour son troisième livre. Et aujourd'hui, quatre ans, trois livres, neuf restaurants et quatre hôtels plus tard, elle possédait l'une des entreprises les mieux portantes du Japon.

Certains jours, elle se dit qu'elle peut être fière d'elle. Que c'est une bonne chose qu'elle s'en sorte aussi bien. Mais depuis quelques temps, elle accumule tout. 

Elle n'a pas réussi à écrire une ligne en trois semaines, et c'est une très longue période pour une personne qui a l'habitude de noircir une vingtaine de pages par semaines le soir, devant son dîner.

De plus, son entreprise rencontre quelques ennuis d'organisation, et tant qu'elle n'aura pas d'associé digne de ce nom pour assister à la moitié de ses réunions, elle se retrouve à répondre à des investisseurs français à trois heures du matin, à cause du décalage horaire.

- A dix heures, vous avez...

- Stop, coupe-t-elle son assistante. J'en ai mare. Annulez-moi tous les rendez-vous qui ne sont pas importants. Reportez ceux que je peux voir plus tard. Dites que je suis malade ou enterrée dans un coin, mais pitié, ne me parlez plus de planning jusqu'à nouvel ordre.

Elle ouvre sa chemise avec un soupir, et se regarde dans la glace avec un air défait, les mains sur les hanches.

- Même mon corps ne fonctionne plus correctement... ça craint. Si ça continue, je vais commencer à avoir des trous de mémoire.

Elle se redresse.

- Si il faut, que mon carnet de rendez-bous soit complet pour trois ou quatre mois. Mais il faut que je respire.

Himeko semble se creuser la cervelle jusqu'à dire :

- Et si vous vous déchargiez d'une grande part de votre travail en le répartissant sur d'autres personnes qui travaillent pour vous ?

- Comme je fais avec toi ? répond-elle sarcastique.

- Vous allez rire, mais c'est l'idée.

- Ah oui ?

Elle se tourne vers elle et l'assistante détourne les yeux.

- Vous ne voulez pas fermer ou changer votre chemise avant ?

- Les japonais et leur pudeur... marmonne-t-elle en anglais.

C'est quelque chose qu'elle trouve insupportable. Personne ne peut voir un soutient-gorge ou pire, une brassière de sport sans crier que c'est impensable d'avoir un comportement aussi vulgaire.

- Si les gens savaient comment je me ballade chez moi, ils auraient les cheveux dressés sur la tête.

- C'est bon.

- Merci, sourit la jeune femme en la regardant à nouveau. Ce à quoi je pensais, c'est que vous pourriez laisser plus de lest aux directeurs de vos établissements. Leur demander un rapport écrit par mois, mais par exemple, un rendez-vous tous les trois mois. De toute façon, vous lirez leur rapport, ça vous libère d'un seul coup une dizaine d'heures de rendez-vous par mois ! Et en plus, vous pouvez payer quelqu'un pour lire les rapports à votre place. Je sais que vous tenez beaucoup à faire les choses vous-même. Mais à la longue, pensez bien que vous serez trop fatiguée pour faire quoi que ce soit. Pensez aux petits...

Elle soupire en levant la main.

- J'ai compris, c'est bon. Fais-moi une liste de tes idées dans le même genre. Je vais voir ce qui me convient le mieux. Oui... je n'avais pas pensé aux enfants...

Elle se fait brusquement songeuse et secoue la tête.

- Franchement, pour l'instant, y a pas de quoi s'inquiéter !

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant