Chapitre 77

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Seijuro s'impatiente, assit sur le banc des remplaçants.

Le match a repris depuis cinq minutes, d'après le chronomètre. Ça fait quoi « longtemps », pour lui ? Cinq minutes ? Dix ? Quinze ? C'est urgent de la retrouver, mais pourquoi ? Parce qu'il s'inquiète ? Pour elle ? Ou pour les autres ? Il tente de faire le tri dans sa tête, en passant une main agacée dans ses cheveux. Qu'est ce qu'il peut ou doit faire ?

Il se lève, et lance à Kuroko :

- Je vais la chercher. Prends soin des autres.

Il acquiesce, et au moment où Seijuro se retourne, une femme sort du vestiaire, les cheveux relevés en queue de cheval, un uniforme de basket blanc, rouge et bleu sur elle, et des baskets aux pieds.

A son visage décidé, il comprend qu'elle va jouer.

Elle s'approche, tandis que les joueurs adverses sur le banc et Kuroko se figent en la voyant.

- Ça va ?

Elle hoche lentement la tête.

- Oui. Mais ça ira mieux encore quand ils auront perdus. Je remplace qui, selon toi ?

Hope regarde Kuroko.

- Si ça ne te dérange pas, je ne vais pas te faire rentrer tout de suite. Je voudrais que tu sois d'attaque pour quand tout le monde sera fatigué, et ça ne va pas tarder, ils sont tous en nage.

- Tu as une stratégie ? lui demande le petit joueur bleu.

- Je vais limiter les dégâts en annulant les effets de leurs techniques. Ça va être difficile, mais je promets de faire de bonnes passes comme les tiennes.

Elle lui fait même un sourire qu'il lui rend.

- Alors tu devrais peut-être faire sortir Midorima, dit-il ensuite.

Seijuro semble d'accord.

- C'est celui qui nous servira le plus pour remonter au score rapidement, mais il est moins endurant que Kise et Aomine, ou encore que Murasakibara. En plus, les filles s'en sortent bien.

- Non, Misaki est à bout. Elle ne pourra pas jouer le dernier quart-temps.

Il lui a suffit de regarder sa coéquipière pour le dire : il y a de nombreux gestes qu'elle ne fait pas, parce qu'elle s'économise. A cause de ça, elle joue d'une manière rigide, qui va lui donner des courbatures après le match.

Hope s'approche des arbitres, et demande un changement de joueurs. On la regarde étonné, et vérifie qu'elle est bien sur la feuille de match, pour prétendre jouer. Une fois que c'est fait, un changement de joueur est sifflé.

Elle souffle longuement, avant de passer la ligne blanche marquée sur le sol.

- Ça va le faire. Ça va le faire. Ça va le faire.

Elle fait signe à l'homme aux cheveux verts qu'elle le remplace, et il traverse le terrain silencieusement.

- Je vais essayer de vous donner un coup de main. Je n'ai jamais joué de matchs officiels, ni avec une équipe entière de votre niveau. Mais je vous promets de donner tout ce que j'ai.

Shizue serre le poing avec un sourire encourageant.

- Ouais. Aller, on peut encore gagner !

- Trop de bonne humeur, grommelle Misaki.

- Trop peu de seins dans cette équipe.

Hope sourit doucement. Elle va avoir du travail, et beaucoup se servir de sa mémoire pour prévoir les gestes de ses coéquipiers. Elle pourrait presque rire à ça.

- Je vais essayer d'utiliser ma mémoire comme pseudo yeux de l'empereur, et me taper une migraine d'enfer après. Ça va être drôle, parce que moi, je ne sais pas du tout l'utiliser en même temps que je joue !

Elle fléchit les genoux, le sifflet retentit et la balle bouge. Hope aussi. Elle l'intercepte rapidement et la passe à Aomine, dans l'espoir qu'il ne se la fasse pas reprendre aussitôt.

Finalement, elle n'a pas fait trois minutes avec eux qu'elle aussi, est en nage.

- Bon sang, j'ai beau faire de l'exercice régulièrement, je ne suis pas endurante pour les bons gestes.

Courir sur une ligne droite longtemps, elle peut le faire. Mais accélérer, faire demi-tour, revenir, ralentir, reculer... ce n'est pas du tout ce qu'on fait en course à pieds.

Elle récupère encire une fois la balle qu'on venait de leur prendre, et s'assure cette fois que le gêneur en question ne recommence pas, en défendant constamment sur lui.

Ils resserrent un peu l'écart, et la pause entre le troisième et le quatrième quart-temps sonne.

Hope se penche en avant pour souffler.

- Tout va bien. Je vais monter encore d'un cran, ça va le faire.

Ses poumons la brûlent, et elle se sent euphorique. C'est une sensation qu'elle avait oubliée. Elle se rapproche des autres, quand Misaki tombe sur les genoux.

- Je m'en doutais. Mais je l'ai laissée jouer quand même.

Hope s'approche de sa coéquipière et lui tend la main.

- Je ne veux pas de ta pitié.

- Parce que tu préfères rester par terre ?

Elle s'accroupit et passe le bras de Misaki par-dessus son épaule, avant de se relever lentement, pour être sûre de ne pas lui faire mal.

- Pourquoi tu fais ça ?

- Parce qu'on est de la même équipe, répond-elle sobrement. Tout simplement.

L'autre se renfrogne, et elles arrivent près du banc. La joueuse se laisse glisser lourdement dessus, tandis qu'Hope attrape la gourde que lui tend Seijuro.

Elle la vide d'une traite, appréciant le sucre qu'elle avait mis dedans.

En fait, elle ne peut pas être aussi performante que les autres, alors qu'elle fait des piques glycémiques, et ne joue plus depuis longtemps. Le corps a beau se souvenir, la santé se souvient surtout qu'elle n'a plus quinze ans, même si elle est loin d'être vieille. Ce n'est pas la première fois qu'elle commence à avoir des vertiges, parce qu'elle a laissé deux heures de trop entre deux repas, ou qu'elle ne retrouve pas la forme directement après avoir absorbé du sucre.

- Tu as l'air en plaine forme.

Elle tourne la tête vers Misaki, qui rumine.

- Peut-être que si tu avais joué en même temps que nous au départ tu serais un peu plus sur les rotules, poursuit-elle.

Hope sourit doucement.

- Ne te méprends pas. Je n'aurais pas été capable de jouer tout le match comme vous. Je suis déjà sur les rotules. C'est à peine si je tiens debout !

Midorima remplace la joueuse et elle interpelle leur entraîneuse avant qu'elle ne retourne sur le parquet elle aussi :

- Attends ! Comment tu fais ?

- Pardon ?

- Pour dire que tu es épuisée, alors que tu tiens encore debout, pour me sourire comme ça alors que tu ne m'aimes pas, me porter, t'occuper de moi, ne pas tomber sous la fatigue...

- Ah... ça... je n'ai pas toujours eu quelqu'un pour me remettre sur pieds, alors...

Elle sourit et ferme brièvement les yeux.

- J'ai pris l'habitude de ne pas tomber. C'est tout.

L'autre la dévisage.

Ce qu'elle vient de dire... est tout bonnement triste et effrayant.

- Cette femme est un monstre.

Et le match reprend.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant