La Plume Et L'Archet

Chapitre 51

Faire de l'équitation... avec la cousine et son frère... sous les regards inquisiteurs de la tante, secrets de la première grand-mère, et vide de ceux de la seconde, arrivée une demi-heure plus tôt, ce n'est pas la plus lumineuse des idées.

Seijuro lui avait donné tous les conseils qu'il avait put, et elle était allée monter un vrai pour avoir les bonnes sensations une fois.

Donc elle n'a pas un bon niveau en équitation, mais a accepté, sans oublier de le préciser.

- Besoin d'aide pour monter, mademoiselle ?

Elle regarde l'homme qui tient les rênes de sa monture et secoue la tête.

- Non merci. Je pense que ça ira. Je ferais appel à vous si je n'i arrive pas.

Mauvais plan. Très mauvais plan. Si elle n'y arrive pas, c'est un coup à se faire ridiculiser. Une chance que la jument qu'on lui a sellé est apparemment celui de Seijuro, et qu'il n'a pas l'air trop brusque.

Elle monte sans encombre.

On lui règle ses étriers.

Hope se cale enfin correctement sur sa selle, prend appui sur le pommeau, se lève assez pour prendre ses repères et se saisi de ses rênes.

Jusque là, tout va bien.

- Dieu merci, je sais ou moins faire ça.

Les autres l'attendent, non sans se regarder d'un air moqueur et elle leur dit :

- Je suis prête.

- Super. Allons-y.

Le frère lui sourit, et elle se rigidifie sur place, avant de se détendre.

- Ne pas avoir peur. Je ne voudrais pas que mon compagnon de voyage s'emballe et me mette par terre.

Les deux s'en vont, et elle comprend qu'elle doit les rattraper.

Elle donne un léger coup de bassin et l'animal se met à avancer.

- Si tu es aussi sage que ça, on va s'entendre à merveille.

Hope vérifie une dernière fois que sa bombe est bien attachée avant de donner un second coup de bassin, pour « trotter en lever », et reprend le pas une fois qu'elle est tout juste derrière eux.

- Alors. Raconte-nous. Qui es-tu ? demande l'homme.

A vu de nez, il est un peu plus vieux qu'elle. En réalité, ils ont bien dix ans d'écart.

- Je travaille dans une entreprise, qui gère essentiellement des établissements restauratifs, et hôteliers.

- C'est ton entreprise, si je ne m'abuse.

- Exact.

Elle pourrait parler de son entreprise pendant des heures. Dire comment elle a commencé. Pourquoi. Avec qui. Nommer un par un tous les chefs qu'elle a rencontré ou formé. Le nom de tous les établissements qu'elle possède. L'histoire de chacun. Mais... elle doit faire plus court.

- Je l'ai monté il y a quelque année. Nous sommes quarante mille à travailler pour cette entreprise.

- Pas mal.

- Ne fais pas genre, je sais que tu n'y connais rien en affaires, pense-t-elle en souriant légèrement.

- Et comment tu as rencontré notre cousin ?

La sœur ne parle pas. Elle se contente d'écouter. Ce qui en soit, est déjà plus que pas mal, mais pourrait être plus instructif pour Hope.

- Nous nous sommes rencontrés au lycée, il me semble. Nous nous sommes revus à un gala de charité.

- Je vois. Tu ne sais plus quand, donc.

- Hum... vous savez, je n'ai pas une mémoire exceptionnelle. Je ne peux pas me souvenir de tout !

Ils lui sourient.

Il y a des choses que la famille Akashi ne saura pas. Que ce soit pour ses livres, sa mémoire, ou le basket. Inclure Seijuro dans sa vie ne signifie pas inclure tout le monde. Même lui a ses petits secrets.

- Et tu l'aime ? Ou c'est de l'intérêt pur ?

- Les deux, répond-elle honnêtement. Je l'apprécie beaucoup en temps que personne et il est très intéressant. J'ai rarement rencontré des personnes avec une conversation aussi variée, et constructive.

Il ne répond pas tout de suite. Ce n'est pas ce qu'il voulait savoir. Elle le sait. Mais ce qu'elle sait surtout, c'est que tout ce qu'elle dira sera répété, et s'il faut, déformé. Autant bien s'attacher dès le départ.

- Ça te va si on augmente la vitesse ?

- Bien sûr.

Elle n'aurait pas dû dire oui.

Mais sa monture se met au galop dès qu'elle lui a demandé, et elle suit les deux autres, comme elle le fait depuis le départ.

C'est très dur pour elle d'appliquer tout ce qu'elle a en mémoire. Comment garder les talons à l'intérieur, baissés et en même temps rester assis au fond de la selle sans se faire éjecter ?

- Je suis désolée, ma pauvre, je suis la pire cavalière du monde. Tu dois avoir un de ces mal de dos !

Mais là où elle parvient le mieux à s'en sortir, c'est au moment où elle doit sauter un petit tronc d'arbre pour suivre le même chemin que les autres.

A ce moment là, elle laisse sa jument gérer le plus de choses possibles, de la vitesse à la trajectoire, pendant qu'elle attrape la crinière d'une main et le pommeau de la selle de l'autre, tout en tentant de se mettre en équilibre.

Par miracle, elles sautent toutes les deux, et reprennent leur route sans encombre.

- S'ils avaient voulut me tuer, ils ne s'y seraient pas pris autrement !

Quand ils arrivent aux écuries, Hope peut voir Seijuro les attendre, tendu.

Elle descend calmement et comprend dans la seconde qu'il ne savait pas qu'ils allaient faire une promenade. Elle descend tandis qu'il tient les rênes.

- Le parc est superbe, dit-elle d'un air sobrement joyeux. C'est dommage qu'à cause de mon inexpérience, nous ne soyons pas allés plus loin dans la forêt, c'était très agréable.

Il souffle doucement en entre-ouvrant les lèvres, le visage caché par l'encolure du la jument.

- Et toi ? Comment s'est passée ton après-midi ?

- Nous avons discuté. Le mari de ma cousine est arrivé. Et nous avons profité du calme pour lui faire visiter le manoir.

- Je vois.

- Je te le ferais visiter tout à l'heure.

- Avec plaisir.

L'homme de tout à l'heure vient lui prendre doucement les rênes des mains.

- Je ne peux pas m'occuper d'elle ? Qu'est-ce qu'on donne en récompense à un cheval ? Occupez-vous bien d'elle, dit-elle seulement. Elle a été très agréable.

L'homme hoche la tête et la regarde discrètement partir avec son compagnon.

- C'est qui cette fille ?