Chapitre 35

475 37 0
                                    

Quand il sonne à sa porte, il n'attend plus rien du reste de sa journée. Ou de sa soirée plutôt. Il est juste là, à se dire que quelque chose a foiré, mais sans savoir quoi.

Hope lui ouvre, et il ne tente même pas de sourire en entrant.

- J'ai fini par me dire que tu ne viendrais pas.

- J'ai trop besoin de cette soirée, là maintenant.

Il retire ses chaussures et pose son manteau sur le banc de l'entrée, pendant qu'elle sort des verres.

- On a perdu. Comment c'est possible ? C'est comme si en moins d'un chapitre, nous avions été rayés du match.

- Ne réfléchis pas de trop, tu as le cerveau qui fume.

Il ne relève pas et s'assoit dans le canapé devant elle.

- Je ne comprends pas.

- Hum.

- Quoi ?

Il s'énerverait presque, et elle a du le sentir.

- Tu veux que je te dise ? ça ne m'étonne pas que vous ayez perdu, en un sens. Ça fait bien longtemps que vous n'êtes plus une équipe. Vous étiez les perles de vos équipes au lycée, mais vous avez trop confiance en vous, et vous avez gardé votre niveau de lycée. Sauf que pendant ce temps, les autres ont progressé. Votre niveau est bon. Mais il n'est plus assez bon pour surpasser les autres. Aujourd'hui, votre basket est insuffisant.

Il hausse les sourcils, vaguement intrigué.

- Je ne t'avais jamais vu en colère.

Elle s'assoit sur la table basse devant lui avec un soupir.

- Je ne suis pas en colère. Je... je ne voyais pas comment te le dire autrement. J'ai crié pour rien. Excuses-moi.

- Toi ? Crier ? Ne rencontre jamais mon père !

Hope rit doucement.

- Qu'est ce que vous allez faire, maintenant ?

- Je ne sais pas.

Il soupire à son tour et croise les doigts de sa main droite, avec ceux de sa main gauche.

- Je ne sais pas. Mais si ce pot de colle revient, je vais devenir fou à lier.

- Et le basket ?

Il hausse les épaules.

- On va recommencer. Je pense. Mais il nous faudrait plus de joueurs. Donc on pourra sûrement reprendre la compétition cet hiver. Ça me semble être un début de plan, non ?

Elle tourne la tête vers sa fenêtre.

- Je ne sais pas vraiment ce qu'est un plan. Je fais tout au filling. Planifier... ce n'est pas mon truc. Prévoir à la rigueur, mais là, tu me parles chinois.

- Tu ne planifies jamais rien ?

- Si, peut-être mon emploi du temps, et encore, je ne fais que le suivre, ce n'est pas moi qui le rempli, quoi que. En fait, comme je me souviens de tout, je ne vois pas ce que ça peut être de se dire que tel jour, il faudra faire telle chose. Je le fais, c'est tout.

- Hum. Je pense que je vais prendre ta philosophie sur ce coup là. On va recommencer. Et on va participer aux tournois seniors de cet hiver.

Elle sourit et se lève.

- Pas mal. Mais tu es toujours lent à la détente.

- Je ne te permets pas, répond-il l'air offusqué.

- Ne t'en fais pas, je me permets toute seule.

Elle prépare deux verres d'un alcool dont le nom n'est même pas marqué sur la bouteille, et à la couleur claire.

- C'est quoi ?

- En France, on appelle ça de l'eau de vie. C'est de la gnole.

Elle trinque avec le verre qu'il tient devant son nez, et vide la moitié de se verre d'une traite, debout, une main dans la poche.

Seijuro apporte le verre à ses lèvres. Dès la première gorgée, il manque de s'étouffer.

- C'est à combien de degré ton truc ?

- Hum... au moins trente-sept et quelques. Mais elle est très vieille. Je m'en suis déjà servie pour désinfecter une plaie. Quand tu n'as que ça, c'est miraculeux.

Il secoue la tête, et éclate finalement de rire.

- Tu es folle de mettre ça sur une blessure. C'est très fort, je ne pensais pas que avais de genre de choses.

- C'est un alcool fait maison par mon père quand il était jeune. La bouteille a bien trente ans.

- Je vois. Tu voulais me souler.

Hope secoue la tête.

- Je n'ai pas besoin d'alcool pour ça !

- C'est totalement faux. Tu ne me soules pas.

- Ne dis pas ça pour me faire plaisir. J'ennuie tout le monde un jour ou l'autre, dit-elle en regardant le fond de son verre.

Mais elle sourit et hausse les épaules.

- Mais je ne vais pas en rester là. Je vais te faire goûter autre chose.

- Euh... je peux finir mon verre avant ?

Elle se coupe dans son élan, le fixe.

- J'imagine que ce sera pour une prochaine fois. Tu es une petite nature.

- Peut-être bien, répond-il seulement, la tête baissée.

- Seijuro... parle-moi...

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant