Chapitre 15

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Il regarde par la fenêtre de chez lui.

Pour son anniversaire, son père lui a donné un jour de repos.

- Mais que fait-on un jour de repos ?

Il soupire, et une idée lui vient. Il pourrait aller dehors, faire du basket avec les gens disponibles qui lui répondront.

Il sort son téléphone et envoie un message groupé d'abord à ses anciens camarades de Teiko, puis de Rakuzan, et enfin de son école de commerce. il ne reçoit que trois réponses favorables. Et deux qui pourraient peut-être passer sur leur pause de midi. Mais les autres... Les autres ne sont peut-même pas au Japon.

Il se change, prend des affaires de rechange, et se rend avec deux heures d'avances sur le terrain extérieur.

Il se gratte l'arrière de la tête. Avec cette folle envie de revoir des gens qui ont fait du basket avec lui, il est peut-être parti trop en avance.

- Toi ici ?

Il se tourne vers la voix.

- Hope ?

Elle éclate de rire. Cela fait peut-être trois mois qu'ils se sont vus au gala de charité. Et pourtant... Elle a le même sourire, la même allure, la même expression.

- Je ne savais pas que tu étais du genre à faire du basket dehors, tout seul.

- Je te signale que je n'ai plus d'équipe.

Elle hoche la tête.

- J'attends d'autres personnes. Mais je suis très en avance.

- Je vois. Tu as sûrement le temps pour un un contre un, pas vrai ?

Elle retire sa veste et la pose dans un coin, avant de retrousser ses manches.

- Tu as le temps pour ça ?

Elle fait la grimace.

- On va dire que je le prend un peu comme je peux. Mais je te préviens, je n'ai pas joué depuis plus longtemps que toi.

- Quelqu'un comme toi ne devrait pas avoir trop de mal à reprendre, si ?

- Je dois le prendre bien ?

- Ce n'est pas toi, qui a la mémoire absolue ?

Elle se crispe.

- Je ne veux pas que tu dises ça. S'il-te-plaît.

Il lui lance la balle avec un acquiescement. Il n'a pas l'intention de recommencer.

- Ne me donne pas d'ordres. Et je ferais peut-être un effort, dit-il pour la forme.

C'est drôle, c'est la deuxième fois qu'il lui dit depuis qu'elle le connait, et il ne lui dit jamais vraiment méchamment. Un peu plus comme s'il énonçait un principe, plutôt que lui même un ordre.

- Je propose un marché. Aucun de nous deux ne tente de donner un ordre à l'autre, et si ça devait arriver, l'autre aurait le droit de donner une pénalité à celui qui a enfreint la règle. Comme ça... Tu n'auras plus à subir un ordre de ma part, parce que je suis assez mauvaise perdante.

Il acquiesce.

- Ton marché me semble honnête.

Il regarde le ballon dans ses mains et demande :

- Tu n'as pas joué depuis combien de temps ?

Ses épaules affaissent.

- On est vraiment obligés d'en parler ?

- De quoi ne pouvons-nous pas parler ?

- De mon frère, de mon travail, et de tout ce qui te semble personnel vis à vis de moi.

- Bref, de tout sauf de ce qui te concerne.

- C'est totalement ça.

Seijuro l'observe, alors qu'elle lève les bras pour tenter un trois points.

Le ballon ricoche contre le panier, avant de rebondir sur le sol.

- Tiens, pourquoi tu ne me parlerais pas un peu de toi ?

Il secoue la tête, attrape la balle, la lance, marque.

- Pas envie non-plus.

- Quel genre de discussion constructive tu peux avoir avec ça ?

Il lui dirait bien que c'est elle qui a commencé, mais son attitude lui rappelle vaguement quelque chose, en bien plus lointain.

- Son sourire, réalise-t-il soudain. C'est celui qu'elle avait devant ses coéquipiers lorsqu'ils étaient là. C'est celui qu'elle avait lorsqu'elle s'était mis à pleurer, il y a sept ans.

Bien entendu, en bonne professionnelle, son sourire était bien plus ambigu qu'à l'époque, et ressemblait d'avantage à une vérité qu'à un mensonge.

- Ne me regarde pas trop. J'ai besoin de compagnie, pas de ta pitié, lui dit-elle dans un regard.

- Notre ressemblance est trop parfaite pour être hasardeuse. Après tout, nous nous sommes vus trois fois, à chaque fois dans le plus grand des hasards...

Il a trouvé un sujet, ça y est. Elle lui passe la balle, songeant que ça ressemble d'avantage à un échange sans but, et il la lance à nouveau.

- Qu'est-ce que tu fais là, si ce n'est pas trop personnel ?

- J'allais au gymnase, un peu plus bas.

- Celui qui a été rénové l'année dernière ?

- Oui.

Elle sourit vaguement, plus ou moins fière d'elle.

- C'est moi qui ai payé les travaux. Ne me demande pas pourquoi, ajoute-t-elle. Enfin... j'aimerais que tu ne me le demande pas.

- Hum. Moi, j'aimerais de faire payer cette entorse à la règle.

- Vas-y.

- Tu dois jouer uniquement de la main droite. Il me semble que tu es gauchère.

- Il me semble aussi que je suis ambidextre, ce n'est pas très fort comme punition, mais tu as décidé, c'est trop tard.

Il sourit.

- Je pense que ça peut s'alourdir rapidement, je ne voudrais pas taper trop fort dès le début. Tu peux me dire ce que tu allais y faire ? A cette heure, ça doit être désert.

- Faire ce qu'on fait là, mais je n'aurais peut-être... que contemplé le panier, ou les photos du couloir...

Elle se fait songeuse, et il a l'impression que son esprit s'en va dans un endroit où il ne pourra lui-même jamais aller : la mémoire.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant