Chapitre 56

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Il se redresse.

- Tu fais la tête parce que tu n'as pas trouvé en deux heures ?

Elle acquiesce, consciente que c'est ridicule. Mais pour avoir vécu la page blanche intensive une année durant, elle refuse que ça lui arrive de nouveau. C'est l'une des peurs dont elle a écopé au sortir de la mort de son frère.

- Je vois. Et si on faisait autre chose ? Des fois, un truc totalement différent ou sans rapport t'aide à trouver de quoi écrire.

Hope sourit.

- C'est vrai. Et si on faisait du violon ?

Le visage de Seijuro s'illumine.

- Bonne idée. Je vais le chercher.

Il sort de la pièce pour revenir avec plusieurs minutes après.

Joyeux, il ouvre l'étui posé sur le lit et elle le regarde faire, en souriant, la tête posée dans sa paume de main.

- Qu'est ce qu'il y a ?

- Rien.

- Sûre ?

- Tu as l'air d'un petit garçon.

Il se renfrogne un peu et elle se lève.

Seijuro se laisse happer par ses bras, tandis qu'elle poursuit calmement :

- Tu es adorable, quand tu fais ça. En fait, je crois que j'aime tout chez toi, même ton mauvais caractère.

Il la serre contre lui.

- Je n'ai pas mauvais caractère...

- ...

- Je suis invivable.

Cette fois, elle éclate de rire.

- Si tu le dis ! je vais faire semblant de te croire, mais ne le dis surtout pas au petit garçon qui sommeil en toi.

Elle frotte le bout de son nez contre le sien, et elle ajoute :

- Alors, maestro, tu me le joue, ce morceau ?

- Bien sûr, c'est si gentiment demandé...

Il s'écarte un peu, cale son instrument sur son épaule, et commence à jouer, plus ou moins tout et n'importe quoi, des classiques comme des airs de radio, en arrangeant chaque musique à sa sauce, comme si cette mélodie qu'il sortait du bois était le sien.

Hope le regarde faire longuement, et soudain, elle se jette sur sa chaise pour écrire.

Avec un sourire sur les lèvres, il la regarde faire, sans s'arrêter, ni quand elle se retourne à nouveau vers lui, ni quand elle se saisit encore une fois de son stylo, ni quand la porte s'ouvre, sur sa grand-mère.

Il n'en n'a rien à faire, qu'on le prenne pour un fou, à jouer comme ça pour une femme qui a beau lui tourner le dos, se nourrit de chaque note qu'il produit, avalant les sons pour les transformer en mots. Il ne laisse tomber le bras qui tient son archet quand c'est au tour de son père, de se ternir dans l'embrasure de la porte, qui avait pourtant, à un moment donné, fermée.

- Oui ? demande-t-il nonchalamment en arquant un sourcil.

Son père le regarde longuement.

- Ta grand-mère est passée.

- Oui, je l'ai vue. Mais elle est partie. Peut-être que ce qu'elle voulait me dire n'était pas si important.

- Hum. C'est un... curieux style que tu as là.

Seijuro comprend tout de suite qu'ils parlent non seulement de sa posture, mais aussi de la manière dont ses manches sont remontées, ainsi que la manière dont il vient de jouer.

Hope ne considère pas le violon de son compagnon comme un jouet. Il ne fait pas de la musique seulement pour s'amuser, et il ne la prend surtout pas à la rigolade. Même ses frasques sont sérieuses. Elle n'y connait pas grand-chose, c'est vrai, mais s'attend à un minimum de compréhension de la part du célèbre Masaomi Akashi.

- Rassurez-vous, je ne l'ai que chez moi.

Un court silence s'en suit, avant que l'homme grisonnant ne dise :

- Avec une attitude décente, tu pourrais jouer de cette manière. En faisant aussi attention à la... variété que tu utilise.

Il acquiesce.

- Je ne pensais pas qu'elle vous plairait.

L'homme se tourne vers Hope et répond à son fils :

- Tout ce qui est perfection va à notre famille.

La porte se referme doucement, effaçant l'homme aux traits tirés.

- Je crois que ça va rester longtemps, commente Seijuro.

Hope se redresse.

- Je pense qu'après la perfection que nous connaissons, il y a un chaos immense. Mais que si nous le traversons, la perfection que l'on peut voir derrière est encore plus proche de la vérité.

- Qui dit ça ?

- Pour l'instant personne.

Il lui sourit.

- Tu es belle.

- Tu es génial.

Il replace son instrument pour reprendre.

- Je sais.

La Plume Et L'ArchetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant