De chair et d'écailles ▬▬ VKOOK

▬ 4 ▬ Voilé dévoilé ▬

« Mettez plus de poids sur votre jambe d'appui pour bouger avec l'autre.»

Nos lames s'entrechoquaient, se quittaient, forçaient l'une contre l'autre avant de se quitter encore, puis de s'abaisser.

J'observai la guerrière en face de moi, essoufflée, et fus étonné de ne pas être dans le même état qu'elle. Plus les jours s'écoulaient, plus je découvrais les bénédictions de la Lune Rouge, et inconsciemment j'avais l'impression d'avoir plus de confiance dans mes mouvements, et inévitablement dans ma volonté de dominer.

« On s'arrête pour aujourd'hui, merci Hwasa. »

Elle rangea son épée et s'inclina avant de s'éclipser, sans doute pour aller se rafraîchir, alors que de mon côté je grimpai sur le mât du bateau avec aisance, jusqu'au sommet où j'avais une vue sur les terres lointaines qui s'approchaient.

Cela faisait trois semaines que nous voyagions en mer, nous avions fait une escale de quelques jours pour nous approvisionner en nourriture contre quelques services rendus auprès de fermiers. C'était la saison où la terre devait être remuée et nous y avions passé plusieurs journées entières. Seuls Taemin et moi-même nous étions rendus à terre, Hwasa m'avait aidé à tresser mes cheveux à la mode des guerriers de Terebell, selon ses dires, afin que je ne me fasse pas trop remarquer. Dans une auberge, nous avions entendu parler des terres brûlées qui avaient plongé certains villages dans la famine, puis de la mort de centaines de personnes dans les environs. Heureusement, la cendre était un bon engrais pour la terre, ce qui avait relancé les cultures à partir de l'année suivante, mais hélas il n'y avait plus assez de bras pour récolter et approvisionner les villages, ainsi que pour le commerce. Le village dans lequel nous étions s'en tirait à bon compte grâce à sa position portuaire, et il tirait profit de la pêche, ce qui était également bon pour le commerce.

J'avais trouvé cette escale aussi revigorante qu'inquiétante. Elle m'avait permis de me sentir utile, et de libérer mes nouvelles capacités physiques, qui juste là me donnaient presque de la fièvre à force d'être retenues. Mais j'avais ce sentiment de vide, un vide dévorant qui m'aspiraient dans son gouffre quand j'étais sur le point de m'endormir. C'était malheureusement un vide qui ne pourra jamais être comblé.

Je soupirai en regardant les terres Terebelloises s'approcher dans le lointain, alors que mon cœur frétillait d'impatience de le revoir.

J'espérais naïvement qu'en le revoyant, il reboucherait ce trou béant d'un voile blanc, d'une toile sur laquelle nous allions continuer d'écrire une nouvelle histoire.

Et profiter de notre vie ensemble à fond.

« Vous semblez mélancolique, mon Seigneur », lança une voix féminine juste en dessous de moi

Je baissai légèrement les yeux et aperçus Hwasa qui s'était changée et qui s'accrochait à la voile près du mât où j'étais perché. Je ne me faisais cependant pas de soucis pour elle, c'était un petit bout de femme qui m'avait entrainé à Terebell avant le retour de mon gardien. J'avais alors compris pourquoi ce nom m'était familier. Sa longue chevelure de jais flottait étrangement derrière elle avec le vent, lui donnant un air dramatique.

« Vous semblez quant à vous spectaculaire, Hwasa, répliquai-je avec un sourire narquois.

- Hé, me trouvez-vous charismatique ainsi ?, pouffa-t-elle avant de lâcher la voile pour élever ses bras comme un oiseau, gardant l'équilibre sur la base de bois.

- Je dirais plutôt inconsciente ! »

Elle éclata de rire avant de me rejoindre sur le mât grâce à une petite échelle de corde et de bouts de bois, et nous nous retrouvâmes aux trois quarts de sa longueur avant de nous arrêter et de contempler un instant le paysage.