XIII

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Le procès avait débuté avec dix minutes de retard suite à l'indécision de Bremond quant à son choix vestimentaire. En arrivant, essoufflé et la chevelure en pagaille à cause du vent froid, il avait plaisanté en affirmant qu'il lui fallait porter de beaux habits s'il s'agissait de son dernier jour en liberté. Cela avait fait rire deux journalistes dans la salle du tribunal, puis le silence était tombé durement sur l'assistance quand la procureure Zauberin et l'avocat Bartel s'étaient levés pour accueillir Madame la Présidente Hortel et ses deux assesseurs. Celle-ci arbora une mine de marbre, surtout au sourire goguenard du prévenu. 

David ne leva pas la tête, comme plongé dans une instance de concentration profonde ou comme s'il essayait sincèrement de ne pas arracher le rictus de son client de sa bouche. Lorelei les voyait faire de loin et elle s'amusait de leur comportement ; le pauvre avocat en avait assez et il avait très certainement hâte que le procès se termine.

La juge s'assit et le silence s'intensifia. Le public prit place à leur tour, Lorelei tapota la pile de dossiers en face d'elle pour occuper ses mains et David osa lui jeter un regard à la dérobée. Alexander se trouvait également dans la salle, mais il avait le menton penché en arrière et se retenait de se balancer sur sa chaise par respect pour sa protégée. Parfois il suivait les procès, mais la plupart du temps il s'ennuyait fermement. L'affaire Bremond ne durerait pas longtemps, peut-être envisagerait-il une brève sieste. 

— Commençons, déclara la juge.

Hortel connaissait le dossier sur le bout des doigts et elle présenta le prévenu brièvement de tête – nom, prénom, âge, date et lieu de naissance, nationalité et profession. 

— Suite à l'incendie déclaré le vendredi 21 novembre 2020 à onze heures et vingt-cinq minutes du matin menant à l'explosion des cuisines, ainsi qu'à l'affaissement des niveaux supérieurs et du sous-sol, Monsieur Bremond, vous êtes accusé de ne pas avoir respecté les consignes obligatoires de sécurité et d'avoir causé la mort de six personnes involontairement. Je vous informe que vous avez le droit de garder le silence pendant les débats, de répondre aux questions et de faire des déclarations spontanées. Je vous invite à la barre.

Son avocat opina du chef, lui confirmant qu'il devait absolument obéir, et Bremond se dirigea avec docilité vers la barre, face à la juge. Lorelei scruta la réaction des assesseurs qui découvraient le dossier et leur front se plissait au fur et à mesure de leur lecture, ce qui était bon signe. Cela montrait qu'ils jaugeaient peu à peu les arguments inscrits sur leurs pages noircies d'encre, tout en écoutant la juge. 

— Comment s'est déroulée la matinée de l'incendie de votre point de vue, Monsieur Bremond ? questionna Hortel.

— Ainsi que je l'ai répété à une bonne dizaine de personnes, y compris des gens présents ici, j'étais en voyage d'affaires dans le but de promouvoir mon hôtel à l'étranger et j'ai reçu un appel de mes associés et assistants qui m'ont appris la tragédie. Je suis rentré le jour même dès que j'ai pu. 

— Je propose que nous passions directement aux témoignages. Ou avez-vous quelque chose à nous signifier, Monsieur Bremond ? 

L'hôtelier hocha négativement la tête. Le greffier écrivit chaque élément, ce qui était dit et fait, ce qui irritait Bremond, mais il se contint pour ne pas faire un scandale à son propre procès.

— Maître Bartel ?

L'avocat voulut effectivement prendre la parole. Son client rejoignit sa chaise, tandis que David marcha vers le centre en s'adressant tour à tour à la juge, ses assesseurs et à Lorelei qui ne décrocha pas son regard du sien.

— Je voudrais seulement mentionner que mon client, Monsieur Bremond, a reçu les premiers devis pour les travaux de rénovation suite à l'incendie et le tarif s'élève à plus de quatre millions sept cent mille euros minimum. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et vous conviendrez que l'explosion n'était pas dans l'intérêt de Monsieur Bremond.

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant