Lorelei but tranquillement un café sous le regard scrutateur d'Alexander qui avait décidé une fois de plus de rester avec elle, dans son bureau, malgré la présence de sa secrétaire. Cette dernière les fixait depuis le matin, tour à tour, et elle gloussait de temps en temps. La procureure ne comprenait pas vraiment ses réactions ; contrairement à lui, car il savait que la rousse le pensait amoureux de sa protégée ou une idiotie du genre. Toutes les femmes des différents services lui glissaient des remarques amusées à son passage, lui soufflaient des encouragements ou lui envoyaient des messages enjoués. Elles étaient toutes certaines qu'il avait rejoint leur groupe afin d'obtenir le cœur de la brune. Il ne leur démontrait surtout pas leur erreur, puisqu'il préférait garder leur faveur. 

La journée s'était jusqu'à présent déroulée dans le calme, mais il fallut qu'un bruit discret ne s'échappe de l'ordinateur de la procureure, signifiant qu'elle avait reçu un mail. Elle l'ouvrit et le lut d'abord en diagonal, puis elle fronça les sourcils, les plis de son front attirèrent la curiosité d'Alexander qui se redressa, auparavant avachi sur une chaise peu confortable. Il le devina aux mouvements de ses yeux : elle relut plusieurs fois dans le but probable d'assimiler chaque élément. Il l'entendit soupirer, mais pas les soupirs de fatigue ou de lassitude qu'elle produisait parfois ; il s'agissait plutôt d'un soupir de complexité. Sans conteste, elle venait de recevoir un nouveau cas à traiter. 

— De quoi est-il question aujourd'hui ? questionna distraitement Alexander.

Il voulait en premier lieu s'assurer que cette nouvelle affaire ne la mettait pas en danger. Elle écopait occasionnellement de cas relevant d'enjeux sociaux importants ou bien elle affrontait des meurtriers immondes, ou pire encore.  

— Ah, Lore' n'est pas contente ! nota Nathalie. Dois-tu de nouveau gérer une conduite en état d'ivresse ? 

— J'aurais aimé..., grogna Lorelei.

Pour qu'elle dise ceci, son affaire devait vraiment être embêtante ! Elle détestait les conduites en état d'ivresse, parce qu'elle s'ennuyait lors des enquêtes et des procès.

— Vous vous souvenez de la tentative d'homicide sur mineurs qui fait polémique en ce moment ? Eh bien, surprise, je dois m'occuper de l'agresseur ! 

Son ironie fit grimacer Alexander. 

— Pourquoi un tel soupir ? répliqua-t-il. Cette affaire est intéressante, représente des enjeux divers et elle est suffisamment compliquée pour que tu sois couronnée de louanges en cas de victoire !

Nathalie pouffa à sa fin de phrase grandiloquente et Lorelei lui adressa une œillade perplexe. Elle ne répondit pas tout de suite et ouvrit derechef le mail pour y répondre, mais avant de confirmer à son supérieur la bonne réception du dossier, elle pivota sa chaise roulante vers Alexander et elle commença à chercher ses mots pour leur exposer la raison de son hésitation quant à cette affaire. La secrétaire connaissait déjà l'explication, mais elle écouta par curiosité, penchée sur son ordinateur pour bien voir la procureure.

— Tu n'as que peu d'intérêts pour le...pour le monde entier, en fait...mais, tu n'es pas sans savoir que des mouvements se sont formés récemment pour lutter contre différents problèmes d'actualité. Metoo, par exemple. J'espère que tu as entendu parler de Black Lives Matter.     

La mine interdite d'Alexander excéda la brune, mais il acquiesça vivement pour ne pas l'obliger à tout expliciter. En réalité, il avait vaguement eu des échos de ce mouvement ; les informations et les gens l'évoquaient à tout-va dans les conversations, mais cela faisait quinze ans que son univers tournait autour de Lorelei et il n'avait pas le goût d'en apprendre davantage sur le reste. Au nom du mouvement, il en déduisit l'essentiel.  

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant