Lui qui veille sur elle

XI

Moreau avait rappelé tout le monde à l'intérieur et ils avaient repris leur place ; le tribunal se plongea derechef dans un silence de plomb brisé par les respirations en suspens et les claviers des ordinateurs. David ne parut guère surpris en balayant la salle d'un regard circulaire de ne pas distinguer la silhouette énervée de Rihem Ghata. Il s'attendait sûrement à une telle réaction, il savait que ses choix et les paroles de son client la mettraient hors d'elle. La juge s'en aperçut à la marque rouge qui se dissipait peu à peu sur la joue de Lorelei. 

— Maintenant, nous allons nous pencher sur les deux charges restantes, vol et escroquerie ! déclara Moreau. Avant de vous donner la parole, Monsieur Blanchard, je projette à l'écran les discussions virtuelles que vous avez eues avec deux de vos connaissances du club de golf que vous fréquentez. Dans les messages, vous évoquez très clairement et avec beaucoup de précision comment vous comptiez voler deux bijouteries avec un mois d'intervalle. Vous mentionnez également la préparation de faux Curriculum Vitae, ainsi que d'autres faux papiers, des actes frauduleux. Vous avez bel et bien fait créer ces documents, que la police a retrouvé lors de leur perquisition chez vous. Cependant, sur les deux bijouteries, une seule a subi des vols. Notons en outre qu'il est apparu sur vos textos échangés avec vos complices que vous envisagiez de tout arrêter et de ne pas passer à l'acte, car, je cite, vous n'aviez pas le temps et que vous ne souhaitiez pas commettre un tel risque... Racontez votre version des faits.

L'homme affichait un visage sérieux et déterminé. Tandis qu'il était plutôt détendu quant à son supposé proxénétisme, Blanchard débutait un nouveau combattant duquel il se sortirait avec davantage de difficulté. Il revint à la barre, se racla la gorge et prit la parole avec une voix grave.

— Comme je l'ai dit précédemment, j'ai pas mal de soucis financiers et pendant une partie golf, je l'avoue, j'ai tenu des propos avec mes amis qui ont pris les mots au pied de la lettre. Ils ont réfléchi de leur côté, j'y ai songé du mien et finalement nous nous sommes emballés. Dans l'excitation, nous avons effectivement fait des recherches sur les bijouteries près de chez nous et avons fait l'ébauche d'un plan de vol. Mais, je me suis repris et j'ai décidé de stopper net notre projet, eux aussi ont regretté d'y avoir pensé et n'en ont pas reparlé. 

— Pouvez-vous préciser, je vous prie ? En ce qui concerne les documents frauduleux ?

Étrangement, Blanchard secoua la tête de gauche à droite, en renvoyant une image désolée et coupable, semblable à un petit enfant que les adultes grondaient. Soit il jouait très bien la comédie, soit il regrettait vraiment ses pensées. 

— Maître ?

David rejoignit son client et celui-ci retourna s'asseoir.

— Force est de constater que mon client a planifié ses vols non-aboutis le temps d'une soirée et du lendemain, montrant bien qu'il était seulement dans le feu de l'action et qu'il ne s'est pas réellement plongé dans son projet. Ainsi qu'il le précise lui-même, il s'agissait simplement d'une impulsion à laquelle il a très vite mis un terme. Par rapport aux faux documents, il a falsifié son CV et a demandé à ses connaissances de créer d'autres papiers frauduleux via leur propre moyen, mais n'en a utilisé aucun. Ensuite, revenons un instant sur le vol de la bijouterie. Sur cette vidéo de surveillance, affirma-t-il en lançant l'enregistrement, quatre hommes exécutent le braquage et mon client n'a pas de corpulence similaire aux leurs. Ni sa taille, ni signe distinctif ne permettent de l'assimiler à l'un des voleurs.

La juge le remercia et l'avocat regagna sa place, en rayant quelques lignes sur son carnet. Apparemment, sa stratégie fonctionnait parfaitement. Moreau détailla les relevés bancaires de Blanchard au cours de deux années où il aurait été proxénète et elle nota des sommes assez conséquentes. Le prévenu expliqua immédiatement que c'était son salaire de dealer et David avait anticipé les possibles doutes ; il avait apporté une enquête réalisée par des spécialistes dont Lorelei ne retint pas le nom et qui listait les prix moyens de la vente de drogues, ce qui correspondait avec les chiffres.