Tout disparut. Les talons à paillettes qui claquaient amèrement sur le bitume en un rythme effréné, les froissements de sa robe en dentelle rose bonbon qui se plissait à chaque enjambée, le balancement furieux de ses bras de part et d'autre de son corps fulminant, le vent qui fouettait son visage renfrogné et battait ses cheveux détachés, sa respiration vive et le cri de sa colère.
Lila Loch roula des hanches et s'arrêta à quelques pas de son ancien amant, soupirant et marmonnant sans répit. Alexander attendait sa protégée sur un banc et il dégustait tranquillement le whisky dissimulé dans sa flasque dont il n'avait jamais fait mention auprès de Lorelei. L'ange croisa les bras et écouta ses excuses. Sauf qu'il ne la regarda pas, qu'il ne parla pas et qu'il l'ignora scrupuleusement. Outrée, ses mains se logèrent sur ses hanches et elle lui lança un regard mortel.
— Espèce de stupide...gougnafier !
— Ouah ! fit-il sans une once d'émotions. Tu sors les vieilles insultes, je suis impressionné.
— Retourne en Enfer ! rétorqua-t-elle, les yeux gros. Je parcours de long en large le monde pour te localiser, je me rends au fin fond de la France pour te revoir et tu m'abandonnes lâchement pour ton humaine à la noix !
— Et tu résumes incomparablement bien la situation. Bravo ! A l'école, tu excellais probablement pour rendre des synthèses. Ah oui, j'oublie parfois que tu es trop vieille pour connaître l'école !
— Foutu vaurien grossier ! Rien qu'un misérable maraud ! cingla-t-elle.
Elle venait de hurler en plein milieu de la rue où des passants se promenaient et zieutaient sur l'hôtel, proliférant quelques rumeurs comme les humains savaient tellement bien le faire ; cela agaça passablement le brun. Ils les contemplèrent avec ahurissement à ces insultes et cela semblait déranger Alexander qui baissa la tête et tourna le dos à celle qu'ils traitaient déjà de folle dans sa tête. Lila Loch s'en rendit compte et elle sourit méchamment. Elle se racla la gorge et effectua un enchaînement de vocalises qui ne rassurèrent pas du tout le brun. A peine eut-il le temps de se tourner vers elle, que l'ange s'écriait :
— Comment veux-tu que je te le dise ? Couche avec moi maintenant ! Sur ce banc s'il le faut !
Bien sûr, elle avait pris sa voix la plus résonnante et les bavardages s'enclenchèrent dans la seconde ; tous les jugeaient hargneusement et désapprouvaient complètement cette femme. Alexander se jeta sur elle et la traîna entre deux magasins. Etant une rue marchande, les personnes se multipliaient et tous traversaient le trottoir en les scrutant sans relâche. Il soupira et se concentra enfin sur Lila Loch. Cette dernière arborait une moue capricieuse et ses yeux de chien battu firent fondre son cœur. Il souffla une seconde fois, se débarrassant de la pression sur ses épaules.
— Lorelei déteste quand j'attire l'attention sur moi. Je te prierais donc de taire cette vilaine bouche et de t'en servir plutôt pour m'embrasser.
— T'embrasser ? pouffa-t-elle. Ta Lorelei cautionnerait-elle ? Apparemment, tu accordes davantage de valeur à sa parole qu'à n'importe quelle autre. Te plaît-elle tant que ça ? Pourtant, je ne vois rien de particulier chez elle ! Une pleurnicharde qui se croit au-dessus de tout depuis qu'elle condamne les criminels. A quel moment déchantera-t-elle ? Hein ? Parce que j'ai vraiment hâte d'assister à la désillusion lorsqu'elle apprendra qui elle est vraiment.
Lila Loch avait déballé cette tirade d'un trait et elle inspira profondément. Sous le regard noir d'Alexander, elle se mit à ricaner et applaudir des mains en sautillant. Même avec ses talons, elle ne lui arrivait pas au menton et il s'éloigna pour soulager son cou.
— Tu me sidères, mon cher ! Tu ne comptes jamais lui avouer ! N'est-ce pas ?
— Ce ne sont pas tes affaires, si je ne m'abuse ! répliqua-t-il, sourdement.
— Non, effectivement. Mais je t'assure que j'admirerais un jour son âme meurtrie par la vérité... En attendant, je refuse de t'embrasser ! Ta tendre humaine n'aimerait probablement pas. De toute façon, tu m'as vexé ! Je n'ai plus envie de toi, affirma-t-elle et Lila Loch haussa le ton. Je ne coucherai pas avec cet...
Il plaqua ses deux mains contre ses lèvres insolentes et ils se combattirent férocement à coup de regards assassins. Jusqu'à ce qu'elle lui morde un doigt et qu'il soit obligé de rompre le contact. Alexander inspecta la trace qu'avait laissée son rouge à lèvres et grimaça en frottant sa peau marquée. Lila Loch paraissait assez contente et elle chantonna en gesticulant, les orbes luisant de malice.
— Au final, pourquoi devrions-nous avoir la bénédiction de ta Lorelei de malheur ? Après tout, elle ne demande pas ton avis, lorsqu'elle fréquente des hommes.
— Elle ne fréquente aucun homme.
— Ah bon ? minauda-t-elle.
Soupirant pour un nombre incalculable de fois, il confronta ses yeux espiègles et elle lui pointa de son index parfaitement manucuré l'hôtel. Alexander s'y dirigea immédiatement, ne faisant pas attention à la route, et il força les voitures à freiner brusquement. Il se planta devant une fenêtre où il aperçut clairement sa Lorelei dans les bras d'un homme au bout d'un couloir. Sa bouche s'ouvrit en grand, prête à gober des mouches, et l'intégralité de son visage refléta son indignation. Lila Loch jubilait et gloussa derrière lui. Il changea d'angle et crut maudire pour mille ans ce type. Celui du couloir et qui se trouvait aussi à la maison de Mugnier. Quel crétin ! l'insulta-t-il dans sa tête, sans raison. Il les avait empêché de se croiser tantôt, mais le destin lui jouait vraiment des tours.
— Qu'est-ce qu'il fout là, cette andouille de benêt ?!
— Et tu oses critiquer mes insultes, maugréa-t-elle.
— Attends une minute ! s'exclama-t-il, en se penchant sur la fenêtre. Pose-t-il réellement ses mains de gros bêta sur elle ? Eh merde !
— Tu l'insultes beaucoup pour un mec indifférent. Attention, je vais tirer des conclusions.
— Trou du cul !
Il avait retenu son cri dans sa gorge et serrait les dents. Il s'apprêtait à écarter Lila Loch de l'hôtel, ne voulant pas qu'elle s'approche de Lorelei, mais une tête dépassa de la fenêtre. Un homme en uniforme. Alexander se figea et il rit maladroitement sous sa mine confuse. Il inclina la tête et recula, en entraînant la femme avec lui. Elle s'esclaffa en se tenant le ventre, se moquant de l'allure mal à l'aise du brun.
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Lui qui veille sur elle
ParanormalQui ne rêve pas qu'un homme fort, beau et dévoué veille sur soi, à tout instant ? Pour Lorelei, il s'agit bel et bien d'un rêve éveillé. Depuis ses dix-huit ans, à son retour d'un coma, un homme la suit et la protège. Après plus d'une décennie ave...