VIII

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Une des Principautés s'assit sur le banc où Alexander et Dervis avaient pris place quelques heures auparavant, discutant de tout et rien, observant les passants et baignant dans la lumière chaude du soleil. Chargé d'établir un lien entre les anges et la hiérarchie, le jeune garçon répondant au nom de Valentino fixa calmement l'ancien démon qui l'ignorait avec dédain. Il n'appréciait pas du tout cet énergumène trop fier et trop ancré dans sa vie d'avant qu'il avait lui-même voulu délaisser. Selon lui, il n'était pas près à entrer dans l'ordre sacré, mais les cieux lui avaient confié un message qu'il devait lui transmettre.

— Alexander Drukhän, la hiérarchie vous offre une chance de montrer votre dévotion ! déclara solennellement, mais d'une voix forte, Valentino. Vous traverserez le portail que je vais vous ouvrir menant à un hôpital et vous trouverez sur le toit une mortelle. Il ne vous est rien imposé, vos choix détermineront la décision finale de la hiérarchie. Sachez seulement que vous avez grandement déçu ces derniers mois et qu'aucune autre chance ne vous sera accordée. De plus, vous ne pourrez jamais accéder à un rang élevé, vous ferez toujours partie du troisième et dernier corps céleste de par votre ancienne nature démoniaque.

— Et si je ne veux plus entrer dans votre joyeuse équipe ? demanda avec arrogance Alexander sous le gloussement de Dervis.

— Vous serez immédiatement banni des cieux pour l'éternité, sans possibilité d'y être admis à nouveau. Puisque vous êtes parti volontairement de l'Enfer, vous ne pourrez également pas y revenir. Refuser ou échouer à cette mission conduira à votre excommunication définitive du monde surnaturel et par conséquent à votre mort spirituel. Vous n'existerez plus pour les deux camps et vous n'aurez plus droit à communiquer avec nous. Ce qui signifie : plus de sorties au soleil avec votre ami !

Dervis se redressa et afficha une mine outrée qui se révéla moqueuse, puisqu'il éclata de rire et se rassit correctement au banc. Valentino ne releva pas et ne se détourna pas du visage fermé d'Alexander. Ce dernier ne pipa mot, mais ses froncements de sourcils réguliers et le plissement concentré de son front lui indiqua qu'il réfléchissait sérieusement à sa position. Finalement, le garçon se lassa d'entendre une réaction de sa part. Il créa deux portails magiques et passa au travers du deuxième, disparaissant. Le premier demeura ouvert et un compte à rebours se lança implicitement.

— Si j'avais su que mon départ des enfers me mènerait à ce merdier..., soupira Alexander.

— Il est évident, Crapule, que je t'interdis l'excommunication. Que ferais-je sans mon meilleur acolyte ? Alors, dépêche-toi de voler au secours de la mortelle et deviens un ange.

Le démon se pencha vers son ami et chuchota :

— Au pire, tu attendras un an ou deux, tu suivras leurs ordres et puis tu commettras une bévue. Oh zut ! railla-t-il. Ainsi, ils seront forcés de te punir, tu deviendras un ange déchu et tu pourras agir à ta guise.

— Pas bête, le Vieux ! pouffa Alexander.

Il se décida enfin à se lever, salua d'un signe de main son meilleur ami et franchit le portail sans hésitation et sans un regard en arrière. La sensation d'être téléporté par une autre personne ne lui plut pas du tout. Lorsqu'il apparut en bas d'un hôpital quelconque, secoué par l'atterrissage, il gronda et jura contre les cieux, la moue aux lèvres. Après s'être énervé une bonne minute, il soupira et contourna le bâtiment. Trouvant l'entrée avec difficulté, il entra à pas assuré.

— Bonjour Monsieur ! s'enjoua la femme de l'accueil.

Il continua son chemin sans lui prêter attention. Elle exigea de savoir s'il venait pour une visite ou pour une consultation, mais derechef il ne s'arrêta pas. Alexander l'entendit se lever pour le suivre, mais il prit l'ascenseur et les battants se refermèrent sur elle. Souriant et amusé par l'agacement de cette femme, il patienta, appuyé contre les parois en fer. Durant cette dizaine d'étages, il se fit plusieurs réflexions. D'abord, cet hôpital était relativement petit et semblait local. Les couloirs étaient sombres et la peinture s'effritait. Aussi, il nota que les murs n'étaient pas épais. Si bien qu'en arrivant au toit, sans avoir poussé la porte de sécurité, il perçut des cris.

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant