Lila Loch avait bien fait de mettre en garde Alexander.

Lorelei atteignit un endroit qu'elle ne connaissait pas et n'avait jamais visité auparavant. En fait, elle était passée plusieurs fois devant, elle avait lu l'affiche sur la vitrine et elle s'était intriguée, mais jamais elle n'avait franchi le pas. Sur ce morceau de papier scotché à la devanture du bâtiment, était inscrit une offre de service : une certaine Astrée proposait son talent de prêtresse à des fins diverses déterminées par le client pour un prix largement excessif. De nature terre-à-terre et n'accordant de crédit qu'aux croyances démontrables, elle avait regardé ces mots comme une usurpation et un mensonge éhonté de la part de cette mystérieuse dame. Pourtant, ses années de vie commune avec Alexander lui avaient prouvé que des choses étranges et inexplicables arrivaient et que tout était possible.

La jeune femme ne comprenait pas le terme de prêtresse et elle n'avait pas imaginé le type de desseins évoqués par la pancarte. Elle demeurait perplexe quant à ces services. Toutefois, aujourd'hui était un nouveau jour et elle avait décidé de repousser ses doutes pour poser une question qui la taraudait depuis quinze ans. Peu importent les conséquences. 

Ainsi, elle avança à pas feutrés vers le bâtiment à l'apparence délabrée. Sur deux étages, perdu dans le centre-ville entre un restaurant à l'abandon d'où une odeur désagréable de friture se dégageait et un magasin de jeux vidéo vintage, la façade beige était parsemée de points gris et la peinture se détachait peu à peu, dénotant un entretien absent. Dans la rue aux pavés difficiles pour les personnes portant des talons qu'elle empruntait de temps en temps afin de parcourir la distance entre les boutiques tendancieuses et le parking souterrain, un sentiment tenace l'englobait dès qu'elle mettait un pied ici. Cette sensation ressemblait à une mauvaise intuition la prévenant que quelque chose d'hors du commun se tramait à la vue de tous sans que nul ne le devine.

Malgré une appréhension, elle enjamba les deux courtes marches menant au bâtiment, entra via la porte ouverte et un étonnement lui tomba dessus. Cet endroit sentait sordidement bon ; un mélange d'épices et de citronnelle qui lui piqua les narines et la détendit instantanément. La première pièce était complètement vide, servant de hall d'accueil où personne ne se présenta. 

Curieuse, Lorelei s'aventura plus loin et découvrit un escalier comportant une dizaine de marches. Elle grimpa lentement et le parfum ambiant changea au second étage. Il s'agissait cette fois de la fragrance reconnaissable de la menthe, ce qui l'apaisa davantage. On aurait dit qu'elle allait s'endormir si elle ne bataillait pas pour maintenir son attention. Cependant, elle ne ressentit aucunement de la gêne ou un quelconque trouble à son état soudain. Elle savait que les effluves pouvaient jouer sur le système sensoriel et qu'elles étaient utilisées en marketing pour calmer un client ou le rassurer. 

Autre fait surprenant, l'intérieur était impeccable ; la peinture semblait récente et le mobilier neuf, ce qui indiquait que cette Astrée prenait soin de cet endroit. De plus, la lumière naturelle du soleil était bloquée par des volets en bois et remplacée par des candélabres tout au long des escaliers et dans le couloir du second étage. Lorelei, intriguée par les chandeliers aux nombreuses branches, essaya d'en soulever un et se rendit compte qu'il était en or massif. Elle déduisit par conséquent que la dame usait de l'argent obtenu avec ses services pour décorer son antre qui lui faisait de plus en plus penser à l'ornementation d'une maison ancienne ou à un manoir de sorcière, au choix. 

— Je vous attendais !

Dos tourné au couloir, fixant les candélabres d'yeux fascinés, Lorelei sursauta à l'entente de cette voix et elle se retourna vivement, ses joues rosées par une énième surprise. Devant elle, une femme l'observait avec une expression bienveillante sur le visage, le corps penché en avant, à moitié caché dans une pièce qu'elle quitta par la suite pour accueillir correctement la Procureure.

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant