Sur le plateau de télévision, entourée de caméras et d'assistants, Lorelei se tenait au milieu d'une cacophonie irritante. Tout d'abord, elle prenait soin de ne pas croiser le regard de deux journalistes qui n'avaient pas daignés la saluer correctement à son arrivée, ce qui l'avait vexé. Puisqu'ils étaient apparemment au-dessus de la politesse, elle se contenterait de les ignorer jusqu'au début de sa séquence. Ensuite, l'habilleuse de la chaîne avait insisté pour qu'elle revêtisse une robe de Procureure, ce qu'elle avait refusé pour une raison très simple : ils n'avaient qu'une robe d'avocat à lui prêter. Puis, la maquilleuse s'était mise à la harceler afin de la rendre plus féminine, ce à quoi elle avait répondu par une grimace gênée et un brin fâchée. 

— Pour la dixième fois, Madame Zauberin n'a pas besoin de manquillage, entendit-elle dans son dos.

— Oui, mais elle serait plus...

— Plus féminine ? singea Alexander. 

Il se retint de lui crier au visage que Lorelei était bien plus belle en tant que femme que cette potiche aux allures de pots de peinture, mais il se calma pour ne pas attirer une mauvaise réputation à sa protégée. A la place, il trancha :

— De toute façon, elle ne deviendra pas l'image de l'affaire Atangana, n'est-ce pas ? Elle est simplement là pour apporter des informations juridiques, donc il n'y a guère l'utilité de l'embellir ou quoi que ce soit avec votre maquillage. Qui plus est, je me suis personnellement occupée d'elle ce matin. Remettriez-vous en cause mes talents ?

— Vou-Vous êtes maquilleur ?

— Pas du tout ! ricana-t-il. Bref, discussion close ?

La maquilleuse se vit obligée d'accepter et elle repartit par les coulisses, agacée. Lorelei sourit en coin, rassurée par la présence de son ange gardien. Que ferait-elle sans lui ? Là voilà à se reposer cette fameuse question, ce qui agrandit son sourire. Son visage lumineux dut interpeller les deux journalistes qui cessèrent leur conversation bruyante et sans grand intérêt pour se tourner vers elle. Il s'agissait d'une femme qui travaillait pour la chaîne depuis un certain temps et un homme qui avait changé de carrière au cours de sa cinquantaine, passant de juge à éditorialiste juridique, et il avait spécialement été invité aujourd'hui pour faire face à la procureure. Elle se doutait qu'il avait été payé pour lui poser des questions ambiguës et polémiques, plutôt que pour entretenir un échange cordial. Elle en était déjà épuisée.

— La page publicitaire est bientôt terminée, nous allons débuter le direct, la prévint la femme. 

Elle acquiesça par courtoisie, se redressa et glissa une mèche rebelle derrière son oreille. Quelques secondes après, un assistant prononça un décompte et en atteignant zéro, la journaliste s'anima d'une lueur sérieuse, mais plus égayée qu'une minute auparavant. Elle présenta brièvement les titres principaux, ainsi que ses deux invités. Elle écorcha le patronyme de Lorelei qui ne laissa rien paraître et elle informa les téléspectateurs des dernières nouvelles. Il fallut attendre un long quart d'heures pour que le sujet passe à l'affaire Atangana. De manière mécanique et surtout scriptée, elle résuma les enjeux de ce cas particulier et diffusa des extraits de scène réelle s'étant produite dans le courant de l'année, montrant des manifestations et des émeutes entre les proches de l'accusé et les défenseurs de la victime. 

— Comme nous le prouvent ces vidéos prises par des passants au moment des tumultes, se lança l'éditorialiste, l'affaire Atangana n'est plus seulement d'ordre juridique. C'est désormais un enjeu populaire et politique. 

— Oui, effectivement, plusieurs politiques se sont prononcés durant l'année et ils n'hésitent pas à se servir des différents camps à des fins stratégiques. Qu'en pensez-vous, Madame Zauberin ?

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant