Astrée enleva le foulard noué autour de son cou et le déposa délicatement sur le dossier du fauteuil. Sa cliente venait de sortir en lui donnant le nom de son compagnon. Elle décida d'effectuer la recherche la plus efficace et rapide dès maintenant afin de gagner du temps. Cependant, cette méthode exigeait une concentration extrême et une précision scrupuleuse. Elle rabattit ses boucles blondes dans son dos et s'allongea au milieu de l'espace vide de la pièce. Les bras étendus de part et d'autre de son corps, sa poitrine se souleva en un rythme lent et contrôlé. 

La jeune femme se détendit, muscle par muscle, détachant son être charnel de sa psyché. Son corps spirituel s'éleva lentement et elle s'imagina flotter dans l'air, aussi légère qu'une plume, vive et consciente de chaque détail de l'univers. Sans qu'elle ne le voie, des lignes noires se dessinèrent sur sa peau à mesure qu'elle appelait son don. La Prêtresse se réveilla soudainement. La partie compliquée débuta. Elle ne devait pas se laisser déconcentrer ou ne pouvait pas perdre le fil de ses pensées. Cette manœuvre la fatiguait déjà et elle n'avait pas envie de recommencer. 

— Alexander Drukhän, où que tu te trouves dans l'espace et le temps, je découvrirai tout de toi.

Elle répéta encore et encore son nom sans faillir, en boucle, pendant plusieurs minutes. Au fur et à mesure, son front se plissa, ses sourcils se froncèrent et une moue apparut sur sa bouche. D'habitude, il ne lui fallait pas autant d'énergie pour localiser une personne. Normalement, elle l'appelait et son corps psychique se déplaçait jusqu'à lui sans qu'il ne le sache et elle pouvait l'espionner autant de temps que tenait la connexion. Pourtant, rien ne se produisit au bout d'une demi heure. Sa vitalité avait trop baissé et elle dut abandonner.

La blondinette se réanima en sursaut dans sa peau de laquelle disparurent les arabesques ténébreuses. Elle était contrariée d'avoir ainsi échoué, mais cela lui permit d'établir une conclusion : Alexander Drukhän n'était pas un homme normal. 

Deux cas de figure se présentaient à elle. Soit il avait menti à Lorelei sur son nom et n'était pas celui qu'il prétendait, soit il n'était pas un mortel. Astrée n'appréciait ni l'un, ni l'autre. Dans la première hypothèse, il n'était qu'un minable imposteur qui tournait autour de la Procureure pour une raison obscure ; dans la deuxième, il s'était rattaché à elle afin de cacher sa véritable nature et agir comme la plupart des gens. L'absence de résultat troubla la Prêtresse qui s'inquiéta pour sa cliente.

De ce fait, elle se rallongea correctement et réessaya d'entrer dans son état second, malgré son épuisement. Cette fois, elle n'appela pas Alexander ; elle pensa simplement à ce nom pendant que les traits sombres parsemèrent de nouveau sa chair. Peu à peu, son esprit se mit à déambuler ci et là, à la recherche d'un lien avec cet homme. Tandis que son corps était toujours chez elle, son âme pénétra dans une demeure spacieuse et onéreuse qui respirait le luxe. Une personne était assise sur un sofa à regarder la télévision et commentant quelques blagues. 

L'homme explosa d'un rapide rire gras, avant de se calmer et de changer de chaîne. Elle n'avait aucune idée de qui il était. Comble du comble, elle ne voyait pas clairement son visage ! Astrée comprit alors qu'il était tout sauf mortel et cela confirma sa seconde hypothèse au sujet d'Alexander. Un filtre brouillait sa perception et cela devint inutile d'être là. Elle se dégagea et plana un moment dans le vent. 

Elle repensa au nom d'Alexander et se déplaça à nouveau. Cette fois-ci, elle atteignit un endroit plus animé et accueillant. Un restaurant. Elle se retrouva face à un jeune homme, peut-être de son âge, et il discutait avec une demoiselle charmante qu'il tentait à priori d'attirer dans ses filets. Si elle avait été menée à lui, il devait avoir un lien proche avec le compagnon de sa cliente. Elle resta quelques minutes à l'observer jusqu'à ce que la femme prononce enfin son prénom qui, au passage, lui tira un frisson sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Jayden. Le favori des cieux. Quel nom pour un aguicheur ! 

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant