A l'instant où Lorelei revint de sa réunion avec ses supérieurs, Nathalie lui bondit dessus à l'entrée de son bureau, refermant la porte pour ne pas être entendue par les deux énergumènes qui s'ennuyaient clairement à l'intérieur et embêtaient la secrétaire avec des questions futiles.

— Sont-ils obligés de rester ? fit-elle, larmoyante.

— Crois-moi, Nath', tu n'as pas envie de leur demander de partir. J'ai déjà essayé de les faire renoncer à me suivre ici, et ce fut un échec cuisant. Si Astrée est de nature déterminée toute seule, alors elle est cent fois pire avec le gamin qui la soutient ! 

Nathalie hocha machinalement de la tête, résignée. Lorelei lui adressa une grimace désolée, consciente que ce n'était pas très professionnel, mais les deux jeunes insistaient tout le temps pour l'accompagner et ils avançaient tellement bien leurs arguments qu'elle cédait, surtout par lassitude. Depuis que la prêtresse avait vu Alexander dans le parc, l'autre jour, elle s'inquiétait de plus en plus. Cet homme, bien que paraissant se désintéresser complètement du sort de son ancienne protégée, revenait à la charge dès qu'un détail le dérangeait. Que lui voulait-il ? Qui est-il ? Elle avait soudoyé Jayden d'une dizaine de façons différentes qui n'avaient pas fonctionné. Apparemment, le blond ne confierait pas les secrets de son oncle de sitôt. 

— Au fait ! l'interpella Nathalie, juste avant qu'elle ne touche la poignée. Est-ce que nous allons en parler...ou pas ? 

Lorelei se figea et arbora un sourire tendu.

— De quoi ? s'enquit-elle, bêtement.

— Tu le sais parfaitement, Lore' ! De ton preux chevalier ! Alexander, bien sûr ! Cela fait...quoi ? Deux semaines ? Trois ? Ne rends-tu compte que les secrétaires m'interrogent toutes sur sa disparition ? Il semblerait qu'il avait intégré leur groupe sur les réseaux sociaux, ou je-ne-sais-quoi, et elles sont en panique parce qu'il ne leur répond plus ! Qu'est-ce que je suis censée leur dire ? 

En continuant à contracter chaque muscle de son corps, elle pourrait se faire mal. La tension se répandait autour d'elle et Lorelei blêmit. Il s'agissait-là d'une très bonne question ; qu'était-elle censée leur dire ? Qu'elle avait simplement voulu en apprendre davantage sur son passé et qu'il s'était enfui pour une raison qu'elle ignorait, qu'elle en payait désormais le prix ? Un prix aigre et qui ne la quittait plus. Elle s'était questionnée des heures et des heures ; la nuit dans son lit, le jour au bureau, ces réflexions ne la laissaient jamais tranquilles : s'il avait préféré partir au lieu de lui donner des réponses, est-ce que cela signifiait que son passé était à ce point atroce ? Insupportable à avouer ? Elle hésitait à reprendre ses recherches. Elle pourrait charger Astrée de fouiller du côté de sa seule famille, sa cousine, mais elle redoutait maintenant la vérité à cause de la réaction d'Alexander.

— Il est parti en voyage, déclara-t-elle, le moins froidement possible. Il souhaitait prendre des vacances et il a autre chose à faire qu'envoyer des messages. Tu diras ça aux secrétaires. 

Elle entra immédiatement dans son bureau et Nathalie soupira.

— Je vais gober ce mensonge, dans ce cas ! railla la secrétaire pour elle-même.

Elle retourna à son tour dans le bureau et s'assit à sa place, zieutant les deux jeunes qui se divertissaient actuellement en faisant des jeux. Ils s'exprimaient à voix basse et ne savaient pas combien ils étaient agaçants à murmurer de la sorte, mais Lorelei ne les réprimandait pas et elle ne le fit pas non plus. Au final, Nathalie s'habitua à leurs piaillements et rires étouffées, elle finit par sourire en les voyant ainsi. Ils étaient plutôt mignons. Vers midi, elle commanda à manger pour eux quatre, afin de ne pas perdre de temps en quête d'un restaurant dans le coin, et elle se proposa pour aller récupérer leur nourriture en bas, le livreur ne montant pas. 

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant