Il l'avait couché, bordé et s'était envolé vers sa boite de nuit habituelle, puis il était revenu incognito en devançant l'aube et les premiers rayons de soleil qui réveillaient sa protégée. Du moins, il se présumait discret. Lorelei avait accompli sa routine matinale sans encombres et elle buvait un second café avec lui, dans leur spacieuse cuisine. Il avait préparé des pommes cuites et caramélisées la veille et elle en mangea une par pure gourmandise. Par la suite, elle s'appliqua ses crèmes et son maquillage léger. En sortant de la salle de bain, elle le surprit en train de ranger un sac en bandoulière qu'elle n'avait jamais vu, il l'avait acheté récemment ou bien il était aussi vieux que leur déménagement ici. Elle ne le questionna pas ; peut-être avait-il décidé d'apporter de quoi s'occuper durant la journée, peut-être que son ennui devenait trop lourd à gérer. 

La jeune femme lui aurait bien demandé de rester à la maison aujourd'hui, mais Alexander était déjà dans l'entrée, enfilant ses chaussures. Il ne semblait ni lassé, ni contrarié ; son visage était teinté d'une étonnante détermination qu'elle ne comprit pas. Lorelei appréciait ce sentiment que lui procurait sa présence et le fait qu'il n'envisageait pas une seconde de ne pas l'accompagner à son travail. Elle ne pouvait plus vivre sans ce comportement, mais d'un autre côté elle doutait de son obstination : un jour, il en aurait marre de la suivre partout. Bref, elle était parcourue par des incertitudes similaires qu'auparavant. 

— Je pensais accepter le rendez-vous de David, murmura Lorelei dans la voiture. 

— D'accord.

La conversation s'arrêta là. Rien ne se brisa de nouveau entre eux et elle en déduisit que l'avocat n'était définitivement pas la source de leur éloignement. Ils conduisirent en silence et arrivèrent au bureau de Lorelei. Il la laissa et lui proposa de ramener des boissons chaudes plus tard. Alexander se dépêcha d'entrer dans les premières toilettes sur son passage, ouvrit le sac, en sortit tout ce dont il avait besoin pour un relooking intense, puis il monta à l'étage des secrétaires de la veille. Il poussa la porte de leur salle commune sans une once d'hésitation et il fit face à trois paires d'yeux exorbitées, à des exclamations mélangeant la stupéfaction et l'horreur, ainsi qu'à un jugement intégral. 

— Bah quoi ? Vous avez dit que vous n'acceptiez que les femmes ! Ne suis-je pas la plus belle femme du monde, en ce moment ? Regardez-moi ces jambes ! Je porte bien mieux les robes que vous, et bim ! Par contre, j'ai essayé les talons, mais ces mini-échasses infernales ne sont pas pour moi ! 

La femme mariée ne sut ce qu'elle devait lui répondre. Elles étaient face à un homme très grand, mal rasé, en perruque violacée aux boucles emmêlées, en robe courte dévoilant ses jambes musclées et en basket de sport. Il avait à priori revêtu un soutien-gorge rembourré avec des morceaux d'essuie-tout. Quel carnage. Tandis que l'aînée le toisa durement, les lèvres pincées, les deux autres se gaussèrent. Alexander n'en eut cure et il réclama vivement :

— Allez, ajoutez-moi sur votre groupe ! Je veux connaître tous vos potins, toutes les rumeurs et...! Et vous me ferez le plaisir de chercher des informations croustillantes sur David Bartel. Par là, j'entends des détails qui me prouveraient que ce sale type doit absolument être écarté de Lorelei ! 

— Que vous êtes belle ! rétorqua l'aînée, sarcastique. 

— Merci ! Maintenant, envoyez-moi une invitation. 

— Nous lui devons ça, au moins pour l'effort ! 

— Un point pour toi, la rouquine !  

Cette dernière ricana encore un peu, puis elle reprit contenance et tapota sur son portable. Quelques secondes plus tard, il reçut une notification, cliqua dessus et pénétra dans le groupe privé des secrétaires ! Il lut les messages d'aujourd'hui et confirma qu'elles parlaient beaucoup entre elles, offrant une mine de renseignements non-négligeables. Il releva la tête, amplement satisfait.

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant