Lila Loch préparait une énième compresse, quand elle perçut un mouvement du coin de l'œil, suivi du froissement des draps. Elle pivota légèrement le visage et braqua son regard nonchalant sur le corps endolori d'Alexander. Celui-ci, à peine réveillé, tenta déjà de se redresser, mais ses blessures le rappelèrent à l'ordre et il s'écroula aussitôt dans son lit. Assise près de lui, utilisant la table de chevet comme une table médicale, dans la chambre d'ami de Dervis Stranza, l'ange maintint son air indifférent qui dissimulait en fait la fatigue accumulée ces derniers jours. 

A cause de son aller-retour à la Baie des Supplices, le brun avait ramené avec lui un poison fatal pour chaque être vivant – qu'il fasse partie du corps céleste, qu'il soit un partisan des abîmes infernales ou un simple humain. Dans ses veines avait coulé cette substance et dès qu'elle l'avait compris, Lila Loch avait pratiqué des saignées, encore et encore, jusqu'à vider son organisme de toute trace létale. Lorsqu'il devenait trop pale, elle usait d'une technique ancienne dont elle avait entendu parler grâce à ses aînés parmi les Chérubins, adeptes de la science. Elle avait prolongé sa vie en sacrifiant la sienne. Épuisée, de plus en plus amaigrie, s'étant battue pour lui depuis plus d'une semaine, elle était à bout et tenait debout par miracle, mais elle avait réussi. La preuve : ses paupières se soulevaient enfin après tant d'efforts et de risques. 

— La prochaine fois que tu te mets en danger pour le petit moineau, asséna-t-elle sans tourner autour du pot, je te réanime uniquement pour te tuer moi-même. C'est clair, espèce de maudit gougnafier ?

Il papillonna des paupières, toussota et sourit difficilement.

— Te revoilà avec tes insultes d'un autre temps..., ricana-t-il avant de partir en quinte de toux.

Elle l'ignora superbement, concentrée dans sa tâche. Elle posa la compresse sur sa blessure majeure, à son ventre, et rajouta un morceau de ruban adhésif. Ensuite, Lila Loch se munit d'une pincette et d'un coton qui baignait dans un liquide rouge, elle le secoua pour ne pas que des gouttes salissent le lit de Dervis – il ne le permettrait pas – et elle se pencha sur lui. Alexander se recula par automatisme, voulant d'abord la questionner, mais le mouvement le fit grimacer et lui tira un grognement de douleur. Soupirant, elle lui ordonna d'une petite voix :

—  Ne bouge pas, idiot ! Contente-toi de me laisser faire. 

— Et qu'est-ce que tu fais au juste ? 

— Je nettoie tes autres plaies. Tu étais sous l'emprise d'un poison et tu viens de t'en remettre aujourd'hui. Tes plaies ne pouvaient pas se refermer et j'ai dû te soigner à la seule manière envisageable dans ton état, la manière humaine. Avec du désinfectant, des compresses et des pansements. Ta magie ne devrait pas tarder à revenir et à te guérir. En attendant, je continue les soins basiques pour que rien ne s'infecte. 

— Une vraie infirmière, gloussa-t-il.

Mais, Lila Loch n'avait pas envie de rire.  

— J'aurais préféré être ta femme, affirma-t-elle sans amertume apparente. 

Il soupira à son tour et la regarda faire sans l'en empêcher. Elle déposa délicatement le coton aux endroits qui lui procuraient de la douleur ; sur le front, sous le menton, à l'oreille, à son poignet gauche et à son épaule droite, ainsi que sur le haut de sa cuisse ; puis, elle frotta doucement pour bien nettoyer. Il se rendit compte de sa nudité, seulement un caleçon, mais il ne commenta pas. Il se doutait que Lila Loch s'était focalisée sur ses plaies plutôt que sur son corps. D'ailleurs, Alexander remarqua sa faiblesse. Elle n'avait aucun maquillage aux yeux, ses lèvres décorées d'une jolie couleur rosé n'étaient pas hydratées et un creux s'était formé à ses joues. Déjà mince, elle l'était d'autant plus, ce qui l'inquiéta instantanément. Il fronça les sourcils, action qui lui fit mal, et il jura.

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant