Le jour du procès était arrivé et Lorelei avait une pression monstrueuse sur les épaules, pression qui n'avait cessée de croître depuis son passage au journal. Les quelques manifestants, bien qu'il en restait peu, continuaient de déferler leur haine sur elle et toutes les personnes impliquées dans l'affaire Atangana. Les plus virulents de la communauté noire se transformaient en véritables furies, ce qui courrouçait la communauté homosexuelle, et les tensions n'avaient jamais été aussi proches d'exploser entre elles. La procureure espérait que tout revienne à la normale lorsque le verdict sera prononcée, mais elle n'y croyait pas. Elle se préparait à un cataclysme qui s'étalerait au moins sur le mois à venir. 

— Madame Zauberin ? l'interpella une voix grave dans son dos, pendant qu'elle traversait la rue menant au palais de justice. Le procès approche. Pas trop stressée ?

David Bartel, qui lui sourit poliment en la rattrapant. 

— Pas du tout, je n'ai rien à me reprocher, puisque j'effectue simplement mon travail ! Et puis, la loi est omnipotente, je ne suis que son bras exécuteur. 

— Ouah, Madame Zauberin ! pouffa-t-il, en appuyant chaque syllabe. Je n'arrête pas de le penser et de le dire, mais vous êtes une femme inspirante. En avez-vous conscience ? 

— Pas du tout ! répéta-t-elle. Bref, au lieu de vous moquer de moi, parlons plutôt de Monsieur Bonnet. Les procédures ont-elles été validées ?

Il ne lui répondit pas tout de suite, accéléra pour gravir les courtes marches du palais de justice, puis ouvrit la porte et lui tint, l'invitant à passer dans un geste théâtral. Lorelei secoua sa tête d'un air désabusé, mais cet homme l'amusait vraiment. Il était de plus en plus naturel avec elle, ce qui lui plaisait beaucoup. Cela la changeait du comportement faux et mystérieux d'Alexander qui manquait à l'appel aujourd'hui. A savoir où il était ! 

— Je ne me moque pas de vous et c'est bon, le dossier a été repoussé ! s'écria-t-il. 

Elle en était très rassurée. L'avocat et elle avaient convenu que le procès de Bonnet avait été fixée à une date bien trop tôt ; les recherches avaient à peine débuté et les preuves n'avaient pas encore été recueillies correctement. Ainsi, David avait déposé la demande officielle pour que l'affaire soit remise au juge d'instruction pour une enquête approfondie qui prouverait notamment la raison de l'enlèvement – de la vengeance pure ou une volonté de justice. Ce point-ci n'avait toujours pas été éclairci. Ce laps de temps supplémentaire permettra à la procureure de clore le cas Atangana en attestant de sa culpabilité, ce qui jouera probablement en faveur du père. 

— Croyez-vous qu'il s'en sortira ? s'enquit subitement David, en montant les escaliers dans une même cadence.  

— Atangana ? Pas moyen ! Trop d'évidences pointent vers sa culpabilité et...

Elle hésita à poursuivre, mais David comprendrait parfaitement ce qu'elle voulait dire. 

— Le juge ne tiendra pas à ce que l'affaire s'éternise. Il préférera sûrement allonger le procès au lieu de le reporter sur plusieurs séances. 

— Une chance qu'Atangana soit réellement le coupable ! plaisanta l'avocat, à moitié.

Lorelei répliqua par un rire coincé dans sa gorge. En effet, dans les affaires avec peu de matières ou celles qui devenaient incontrôlables en termes de tension, il était parfois possible que le juge annonce un verdict précipité ou que les parties se mettent d'accord pour finir le procès rapidement. Elle avait été concernée une fois dans sa carrière par ce phénomène – souvent injuste pour le prévenu – et elle avait fait de son mieux pour que la justice soit entendue. Dans ce cas précis, le problème ne se posait pas pour une raison très simple : Atangana était foncièrement coupable et son avocat se cassera une dent à le défendre.  

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant