David, vêtu de son long manteau et de ses chaussures parfaitement cirées, était venu la chercher, alors qu'elle l'avait attendu une demi-heure sur un muret à un coin de rue inconnue. Elle avait croisé d'innombrables passants et avait ignoré les regards curieux de la plupart d'entre eux qui l'avaient vu essuyer quelques larmes rebelles et renifler sans grande grâce. Elle s'était efforcée de se tempérer pour ne pas se montrer ainsi devant l'avocat. Ce dernier était suffisamment généreux pour perdre son temps précieux avec elle, Lorelei n'oserait pas lui demander en plus de s'occuper de ses chagrins. 

Dans la voiture, le silence pesant plombait l'ambiance et alourdissait le cœur de la procureure. Fixée sur la route, elle ne remarqua pas que l'homme la dévisageait en biais, perplexe quant à sa mine déboussolée, dévastée et bouleversée. Trop d'émotions se partageaient sur son visage et il ne sut pas comment débuter une conversation. Tout en se concentrant sur sa conduite, il lut en elle un certain désespoir et une fermeté qui le surprirent. Une telle détermination se dégageait d'elle en cet instant. Cependant, il ne se doutait pas que cette décision résolue était le déclencheur de sa fin. 

N'ayant aucune idée de la raison de son état, mais conscient que quelque chose clochait, il la conduisit jusqu'à un bâtiment en dehors de la ville, sur une route éloignée de la banlieue, et il se gara au milieu de gravier. Lorelei mit un temps pour reprendre contenance et se rendre compte du saugrenu de ce lieu. Elle fronça les sourcils et pivota vers lui, mais il sortait de sa voiture et faisait le tour pour lui ouvrir la portière. Lui tendant la main poliment, elle le questionna de façon muette. David sourit et pointa d'un doigt assuré l'immeuble qui ne semblait pas abandonné, mais qui ne donnait pas une très bonne impression au premier abord. 

— Je possède ce bâtiment. Je l'ai acheté en pensant l'utiliser de local pour mon propre cabinet d'avocat, mais le projet exige plus de mois et d'attention que prévu. 

— Vous voulez être à la tête de votre cabinet ! s'exclama Lorelei, n'imaginant pas cette réponse. C'est intéressant. Depuis quand ?

— Un an environ. Bien que le projet n'avance pas à l'allure souhaitée, je me réconforte en voyant les résultats de premiers travaux dans le bâtiment. Je vous fais visiter ?

Elle opina du chef. A vrai dire, elle aurait préféré un canapé où s'asseoir pour boire et pour oublier ses déboires, et pourquoi pas tomber dans l'inconscient à cause de l'alcool. Au moins, elle n'aurait plus à affronter la réalité qui devenait de plus en plus dérangeante. Mais, l'avocat, qu'elle avait sollicité pour lui remonter le moral, se tenait tout fier de son projet face à elle et Lorelei ne put refuser de s'enjouer avec lui. Elle le laissa donc la guider dans l'immeuble, passant une porte quelque peu rouée, mais portant le nom de Bartel. 

— Au rez-de-chaussée, je compte diviser les plus grandes salles en deux ou trois pour créer des bureaux privés dédiés uniquement à l'accueil des clients, les plus petites serviront de pièces d'archives ou de salles communes. Je réfléchirai sur ce point plus tard ! dit-il en lui désignant les couloirs de part et d'autre du hall où ils se trouvaient, et il la conduisit aux étages supérieurs tout en continuant de lui présenter son projet. Au premier, j'ai songé à des espaces destinés à nos recherches et à la préparation de nos dossiers, ainsi qu'à une salle de réunion pour faire les présentations ennuyeuses de deux heures chacune ! 

Lorelei pouffa à sa lassitude. Apparemment, ils avaient à supporter les mêmes réunions barbantes. 

— Au second, ce serait pareil qu'au premier. En notant que les secrétaires devront également avoir leur place sur ces deux étages. Le dernier...eh bien...je ne sais pas encore, en fait... Venez, c'est assez sympathique.

Elle ne comprit pas là où il voulait en venir, mais lui emboîta le pas sans l'interroger. Ils atteignirent le dernier étage, vide.  Il lui saisit le bras en quittant la cage d'escaliers et l'attira jusqu'aux immenses fenêtres qui offraient une vue plutôt impressionnante sur la ville au loin et sur les champs autour du bâtiment. Les lumières de la vie urbaine se distinguaient à peine à l'horizon. Éclairés par une faible luminosité, Lorelei se sentit étrangement bien dans cette atmosphère. Du calme, du silence et un ami à ses côtés. David ne se détournait pas une seconde d'elle, scrutant la moindre de ses réactions. La brune se désintéressa brièvement de ce panorama pour examiner de nouveau la salle, elle nota une chaise, ce qui l'étonna, mais elle ne releva pas. 

Lui qui veille sur elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant