Chapitre 8

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Combien de fois ai-je pu écouter ces cinq morceaux? Je n'en avais pas la moindre idée. Lorsque je m'éveillai le lendemain, recroquevillée dans mon canapé, les yeux endoloris par les rayons du soleil pointant à travers la vitre, je m'aperçus avec désarroi qu'à force de repousser l'heure du coucher, j'avais fini par m'endormir à même le canapé sans prendre la peine de tirer les rideaux du salon. Le dos endolori, je me relevai en grognant, et vis avec agacement que la chaine hi-fi était toujours allumée. J'eus de nouveau envie de relancer le disque, mais je m'en abstins. En allant faire ma toilette, je m'aperçus que les airs des chansons s'étaient gravés dans mon esprit, j'en fredonnais même certains en préparant le petit déjeuner. J'avais beaucoup de mal à comprendre comment toute ma vie avait pu changer à ce point, à cette vitesse, comment Michael Jackson pouvait accorder pareille confiance à une petite maquilleuse originaire de Los Angeles et sans aucun rapport avec le milieu du show business dans lequel il évoluait depuis dix-sept ans. Tout en allant régler la parade pour laquelle j'officiais en tant que maquilleuse, je repensai à ses paroles de la veille à propos de ma franchise, et lorsque j'observai les jeunes filles danser au milieu des badauds, je réussis à me convaincre que Michael devait apprécier ma franchise, puisque personne autour de lui n'osait lui signifier l'absurdité de certaines de ses idées. Pendant plusieurs jours, je n'eus aucune nouvelle du staff. Michael ne travaillait pas encore réellement sur son album, et du côté des médias, c'était le calme plat. J'en profitais pour honorer plusieurs rendez-vous -je commençais à me faire un nom puisque mon statut de membre officielle de l'équipe de Michael Jackson était maintenant reconnu dans tout le pays, et je fis la connaissance de plusieurs troupes de danseurs et de nombreuses agences de mannequin plus ou moins connues.

Plongée dans mon travail, je ne repris conscience des dates que lorsque mon téléphone sonna très tôt un matin où la neige recouvrait la ville. Frissonnante, je passai un chandail de laine en avisant l'horloge murale et constatai avec humeur qu'il n'était que cinq heures et demi du matin. Je déccrochai le combiné en étouffant un bâillement, les yeux gonflés de fatigue.

-'Jour, marmonnais-je.

-Bonjour Madame, dit une voix étrange et hésitante à l'autre bout du fil. Vous avez une minute à m'accorder?

Un démarcheur à cette heure si matinale? Je fronçais les sourcils en bâillant sérieusement, songeant à mon lit et à ma chambre chauffée à quelques mètres de là.

-A quel propos?, interrogeais-je mollement. Je ne sais pas d'où vous appelez, mais il est vraiment tôt en Amérique à l'heure actuelle vous savez.

-Aimez-vous les fêtes de fin d'année?, demanda la voix en ignorant complètement ma question. Appréciez-vous la neige et l'esprit de Noël?

-Euh... oui beaucoup, évidemment, répondis-je de plus en plus perdue. Mais qui êtes-vous?

-Je le savais, dit soudain une voix différente et beaucoup plus énergique.

Mon coeur bondit subitement, et je sentis mon pouls s'accélérer dans ma poitrine. Comment pouvait-il appeler à une heure pareille pour des demandes si excentriques?

-Michael?, soufflais-je effarée. C'est toi?

-Bonjour Ollie, chantonna-t-il gaiement.

-Mais enfin pourquoi appelles-tu à une heure pareille?

-Nous sommes le vingt-trois Décembre, dit-il d'une voix sérieuse. Et j'appelle très tôt pour que tu aies le temps de te préparer.

-A quoi donc?, interrogeais-je surprise.

-C'est une plaisanterie?, demanda-t-il sur un ton indigné. Tu n'es pas née le jour de Noël?

Je restais muette, fixant le mur blanc en face de moi sans le voir. J'avais tant eu à faire ces derniers temps que je ne m'étais même pas rendue compte du temps qui avait filé si rapidement. Pour ne rien arranger, le peu de famille qu'il me restait ne vivait pas dans le même pays que moi, et nous ne pouvions nous voir que très rarement. Depuis le début de mes études, je ne les voyais qu'à de très rares occasions, et j'eus un pincement au cœur en me rendant compte que j'avais réussi à oublier Noël et, par la même occasion, mon propre anniversaire.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant