Chapitre 24

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Je me souviens d'une interview à laquelle j'avais assisté et durant laquelle la réponse de Michael m'avait marquée. Lorsque le journaliste avait parlé de lui comme d'un véritable prodige musical, comme une espèce de messie, d'archange, le jeune chanteur avait répondu en toute humilité "je ne me considère absolument pas comme le messie, ni comme un géni. Dieu m'a donné une voix, un talent, et je compte m'en servir pour rendre un maximum de personnes heureuses. Si elles réussissent à ressentir ce que je tente de leur faire éprouver, alors ça me rend heureux". Ce jour là, je m'étais rendue compte de la grandeur d'esprit de Michael Jackson, et j'avais pensé que son bonheur tenait à d'infimes petites choses, en deçà de ce qu'il méritait réellement. J'avais fini par me rendre compte que les rares fois où Michael se sentait véritablement touché par la grâce, un évènement désagréable venait toujours le couper dans son élan.

A présent, assise sur une chaise en plastique dans une salle d'attente du centre médical Brotman, je ne cessais de me répéter cette même phrase dans une litanie qui tournait sous mon crâne à l'infini. Autour de moi, la famille de Michael et Franck Dileo un oeu plus loin attendait eux aussi, silencieux, hormis Joseph et Jermaine qui ne cessaient de piailler au téléphone. Je n'arrivais pas à saisir de quoi ils discutaient, un sifflement aigu résonnait sourdement dans mes oreilles, et je ne pouvais détacher mes yeux du sol recouvert de linoléum bleu pastel. J'avais la sensation d'avoir perdu tous les os de mon corps, et des images épouvantables surgissaient dans mon esprit. J'étais folle d'inquiétude, Michael subissait déjà une opération, nous n'avions pas pu le revoir depuis son arrivée à l'hôpital, et personne ne nous donnait aucune nouvelle sur son état. Je ne savais même pas s'il avait été brûlé sur tout le corps, si le feu avait atteint son visage, et l'attente nous rendait fous.

-Tiens, chuchota Randy en s'asseyant à côté de moi, bois un café au moins.

-Merci Randy, répondis-je en attrapant le gobelet qu'il me tendait.

-Pamela et Andy ont appelé, dit-il d'une voix morne. Ils te transmettent leurs amitiés.

-Je n'ai même pas pensé à les contacter, gémis-je en me prenant la tête dans ma main libre.

-Eh c'est bon, ce n'est rien, dit-il en me frottant le dos. Ils comprennent.

Je sentis des larmes me picoter les yeux et je les refoulais en serrant les dents le plus fort que je pus. Randy m'entoura finalement de son bras et posa sa tête contre la mienne, sa main frottant mon épaule doucement. Marlon vint s'installer sur ma gauche et attrapa ma main gentiment, et Tito s'accroupit en face de nous pour frotter mon mollet. Vers quatre heures du matin, un cri nous sortit de notre état de méditation silencieuse. Nous relevâmes la tête d'un même mouvement et je reconnus la veste de cuire rouge de Janet lorsqu'elle fit irruption dans l'étage vide pour se jeter dans les bras de Jackie. Lorsqu'elle me vit, elle le relâcha et j'eus à peine le temps de me mettre debout qu'elle s'écrasait déjà contre moi en sanglotant. Derrière elle, Katherine arrivait lentement, son visage blafard, une mine d'angoisse profonde sur ses traits d'ordinaire si doux.

-J'ai eu si peur, renifla Janet en agrippant mon pull. On ne sait même pas s'il va bien.

Je dus me mordre les lèvres pour ne pas fondre en larmes à mon tour. Avec un petit sanglot, j'entourais sa taille de mes bras pour la serrer contre moi. Il était rassurant d'être auprès d'elle en cet instant chaotique, je n'imaginais pas l'état de terreur qui m'aurait habitée si je m'étais trouvée chez moi en apprenant la nouvelle. Les Jackson semblaient complètement retournés, mais leurs liens puissants les aidait à ne pas lâcher. Et ils s'accrochaient avec vigueur.

Janet finit par s'asseoir sur la chaise que j'occupais avec un soupir triste, et je m'installais en tailleur à côté de Tito qui entamait son cinquième gobelet de café avec un bâillement à fendre l'âme. L'arrivée de la sœur cadette des Jackson avait légèrement apaisé la lourdeur de l'atmosphère, et nous discutâmes à voix basse pour tenter de combler l'attente dans laquelle nous étions plongés.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant