Chapitre 41

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J'avais fini par me dire que chaque moment de flottement et de doute ponctuant ma vie finissait par arriver dans la voiture de service qui nous emmenait à Encino. Le matin du mois de Mars s'ouvrait sur une matinée claire, les rues étaient constellées du passage des voitures de ceux qui partaient travailler et des paparazzis qui avaient eu vent de notre arrivée à Los Angeles. J'étais habillée de mon éternelle jupe de velours côtelée et de mon pull jaune moutarde que je portais la première fois que nous avions rencontré Diana Ross; Andy et moi, ce qui avait arraché un sourire nostalgique à Michael lorsque j'avais fait irruption dans la salle du petit déjeuner. Ce dernier était habillé d'un haut rouge portant un mince filet brodé de noir, entouré de petits cercles argentés. Il avait passé un jean serré noir, posé des ray-ban noires sur son nez, et il s'était emmitouflé dans une veste de teddy sombre pour parer la fraîcheur de la fin d'Hiver. J'avais pour ma part repassé l'énorme blouson noir que le staff avait porté tout au long du Bad World Tour, il tenait chaud, et je l'aimais beaucoup.

-Tu ne m'as toujours pas répondu, dis-je dans le silence de l'habitacle.

Michael releva le nez du carnet vers lequel il avait les yeux rivés depuis notre entrée dans la voiture, son stylo dressé près de la page criblée de son écriture penchée. Il leva les sourcils et un sourire flotta sur ses lèvres.

-Ah oui, dit-il, j'allais justement le faire!

Il retira ses lunettes, et je vis son regard perdu glisser de mon visage à ses genoux. Il se mit a claquer la langue sur un tempo rapide, et il agita le stylo qu'il tenait entre les doigts à toute vitesse, les yeux plissés et rivés sur le siège qui nous faisait face. Manque de chance, je commençais à bien le connaître, et cette attitude là, je la connaissais par coeur. Je lâchais un soupir qui le fit sursauter, et il tourna vers moi un visage gêné.

-Tu n'as pas écouté un seul mot de ce que je t'ai dit, avoues-le, dis-je avec un regard las.

-Désolé, non, marmonna-t-il honteux. J'ai cet air qui me tourne en tête depuis que je suis réveillé, il fallait que je l'écrive, je le tiens.

Je contemplais son écriture grossière qu'il adoptait lorsqu'il composait. Ses carnets ressemblaient à des feuilles de brouillon, il trouait même parfois les pages sous l'excitation que lui procurait la création de nouveaux morceaux. C'était parfois compliqué à déchiffrer, mais à force de lire et relire son écriture, j'avais fini par apprendre à lire ses phrases collées les unes aux autres.

-"Just promise me;
Whatever we say or whatever we do to each other;
For now we'll make a vow to just keep it in the closet", lus-je à voix haute. Serait-ce autobiographique?

-Un peu, rit-il. C'est une ébauche mais j'aime bien comme ça sonne, et le double sens entre la relation cachée et l'homosexualité.

Je fronçais les sourcils. Depuis Thriller, la vision que les médias avaient eu de Michael au sujet de ses relations intimes avait fait beaucoup de chemin. A l'époque, s'ils l'avaient considéré comme le gendre idéal, puis comme un homme à femmes, il était devenu courant de voir des unes de magasine informant le public de l'homosexualité présumée du chanteur. Sa récente apparition en compagnie d'Elton John lors d'une soirée de remise de prix avait suffi à remettre le feu aux poudres, et la presse considérait l'aveu de notre relation comme une couverture. Du grand n'importe-quoi.

-Tu n'aimes pas du tout, présuma Michael en contemplant ses notes.

-Si, au contraire, démentis-je en posant ma main contre sa cuisse. Mais tout ça... J'ai parfois l'impression que dès qu'on essaie de calmer une rumeur dingue, une autre émerge ailleurs. C'est comme remplir un ballon criblé de trous.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant