Chapitre 15

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Hébétée, je scrutais mon visage imprimé sans parvenir à comprendre ce qui était en train de se passer. Je n'entendais plus rien de ce qui se disait autour de moi, et le contours des choses devint flou à force de fixer la photo sans bouger les yeux. Je n'étais qu'une inconnue angeline qui se démenait pour réussir dans sa voie et réaliser ses rêves, et je me retrouvais en première page d'un journal sous un gros titre mensonger qui plus est. Une douce chaleur remplaça soudain le froid moite de ma main droite, et je fus doucement écartée du reste du groupe. Michael m'emmena dans la cabine d'enregistrement du studio encore plongée dans une demi-obscurité dont il referma la porte derrière lui, puis il prit mes mains dans les siennes. Je devinai le contour de son visage grâce au relief de ses frisottis, mais je ne parvins pas à distinguer son visage.

-Respire lentement, dit-il à voix basse. Tu es devenue toute pâle d'un coup, je n'ai pas envie que tu ne t'évanouisse. Tu veux t'asseoir?

-Non, ça va aller, chuchotai-je à mon tour. Bon sang, qui à donné cette photo aux journalistes?

-Mes agents vont s'en occuper, ne t'en fais pas.

-Michael, mon visage va circuler dans le monde entier, dis-je en sentant des trémolos d'angoisse faire trembler ma voix. Je ne suis ... Michael je ne suis pas prête à vivre ça.

-Je suis désolé, dit-il faiblement. Ce n'est vraiment pas la première fois que ça arrive, et crois-moi je n'ai jamais demandé à avoir le visage le plus vendu de ces dernières années.

Il lâcha un soupir qui fit s'agiter les mèches rebelles sur mon front. Je vis les contours de sa silhouette tanguer lorsqu'il s'approcha de moi, et la clarté de la vitre derrière moi révéla l'expression mélancolique de son visage. Ses yeux rendus noirs par l'obscurité sondèrent les miens avec une intensité telle que je sentis mes nerfs parcourus d'un courant électrique.

-Je comprendrais tout à fait que tu veuilles t'éloigner de tout ça, poursuivit-il en chuchotant à son tour. Je ne tiens pas à ce que tu souffres toi aussi, je sais trop à quel point la célébrité soudaine peut briser quelqu'un. Mais s'il te plaît...

Il s'interrompit, et sa bouche se tordit lorsqu'il chercha ses mots avec cette expression qu'il arborait lorsque quelque-chose le tracassait. Je sentis de nouveau ses doigts chercher les miens et il raffermit sa prise autour de mes mains.

-Ne fuis pas, dit-il d'une voix brisée. Je t'aiderais à rester invisible, tout ce qu'il faudra, mais ne disparais pas de ma vie. J'ai été si longtemps rattrapé par ma solitude, et j'ai enfin trouvé quelqu'un qui me considère comme un égal, et pas comme... cette espèce de... de bête de foire inapprochable.

Je voulus lui répondre du tac au tac, mais j'étais trop stupéfaite pour répondre quelque-chose de cohérent. Plaisanter avec lui, partager des journées joyeuses ou plus difficiles lorsque nous devions travailler, tout cela m'avait paru tellement naturel que je ne m'étais pas rendue compte de la singularité de la situation. Mais surtout: je ne savais pas quelle opinion Michael pouvait avoir de moi, et l'entendre me déclarer à quel point il tenait à ma présence me bouleversait tant que je sentis une boule d'émotion grossir dans ma gorge.

-Je suis désolé, répéta-t-il. Je..

-Arrêtes de dire des âneries, dis-je d'une voix tremblante.

-Que...?

-Je n'escomptais pas m'envoler pour si peu. Enfin, pour qui est-ce que tu me prends?

Il leva des sourcils surpris et relâcha ses épaules, et la pression de ses mains autour des miennes s'adoucit. J'avançai pour poser ma tête sur son épaule, et me laissai une nouvelle fois bercer par l'odeur de ses vêtements et de sa nuque toute proche.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant