Chapitre 56

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-C'est rude. Comment tu réussis à tenir le coup?

Je tournais un regard amusé vers le visage torturé de Pamela. Ses cheveux coupés à hauteur d'épaules frisottant autour de son joli visage pâle lui conféraient des airs de lion particulièrement doux. Face à nous, contre le sol poussiéreux de l'hacienda de style andalou dans lequel nous avions déployé les équipes de production, Michael glissait ses mains contre le corps svelte du top model de renom, Naomie Campbell. Son visage de poupée touché par les rayons d'un soleil cuisant était absolument sublime, et Michael tentait de supporter la douche de lumière du mieux qu'il le pouvait. Nous étions sur le tournage du court-métrage que Michael souhaitait réaliser pour In The Closet, l'ensemble de mes proches ne cessait de me lancer des coups d'oeil soucieux et pour cause: les poses suggestives de Naomie et les mains baladeuses de Michael en faisaient sourire plus d'un, et certains craignaient de me voir devenir folle devant le manège lascif. J'eus un petit rire qui accentua le pli entre les yeux de Pamela.

-J'ai confiance, Pam, déclarai-je en lui frottant le bras. Tu devrais te détendre, toi aussi.

-Mais comment peux-tu être si détendue, toi?, répliqua-t-elle agacée. Je me sens presque trahie de le voir entre ses bras.

J'eus un soupir face à l'expression irritée de son visage. Pamela ne changeait pas: elle avait toujours été un tantinet trop protectrice avec moi. Treize ans et demi plus tard, elle n'avait pas changé d'un iota. Je relevais ma main gauche aux doigts tendus vers son visage chiffonné puis j'agitai mon annulaire autour duquel brillait mon alliance, ce qui la fit ciller et poser un regard las sur mon visage enjoué.

-L'homme que tu vois se rouler dans la poussière est aussi mon mari, Pam, souris-je. Je n'ai aucune crainte par rapport à lui.

-Et elle?, marmonna-t-elle avec un mouvement du menton en direction de Naomie.

Cette dernière ondulait à présent en effleurant ses cuisses pour agiter sa jupe blanche tout en frôlant Michael avec un sourire enjôleur. Elle était magnifique, c'était indéniable. Michael pouvait s'entourer des plus jolies créatures parcourant le globe, il avait d'ailleurs déboursé une somme astronomique pour qu'elle accepte de se produire dans le court métrage, car cette dernière avait de nombreux défilés à honorer et participer au tournage la contraignait d'annuler ses prestations et perdre des centaines de milliers de dollars.

-On ne se connaît que de vue, répondis-je en haussant les épaules. Je ne veux pas me faire de fausses idées sur son compte.

-Tu es gentille, marmonna Pamela songeuse.

-Merci.

-Non, tu es trop gentille Ollie, soupira-t-elle.

-Coupez!, s'exclama Herb Ritts en se relevant vivement de derrière l'énorme caméra rivée sur Michael et Naomie. C'était parfait, on peut boucler cette prise de vue.

Naomie gratifia le réalisateur d'un regard de biche, Michael retira ses mains stationnées sur les hanches de la jeune femme avec un sourire satisfait. Il sauta ensuite du promontoire sur lequel ils étaient juchés puis il rejoint le derrière des caméras en croisant les bras. Son débardeur blanc était à présent couvert de poussière brune, tout comme ses bras et ses épaules. Son visage dégagé de ses cheveux noués en une queue de cheval stricte semblait serein, mais je le vis se mordiller les lèvres lorsqu'un assistant vint brandir une ombrelle juste au-dessus de lui. Il devait souffrir des rayons du soleil, je ne m'étais pas trompée. Il s'entretint avec Herb au sujet des images qu'ils venaient de filmer: a en juger par son ton posé et les larges mouvements qu'il effectuait en discourant, Michael devait être satisfait du travail abattu jusqu'alors. Je profitai quelques instants plus tard de le voir se mettre à l'écart, plongé dans ses pensées, pour le rejoindre et lui tendre une glace emballée dans un papier doré.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant