Chapitre 52

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La nuit tombée sur le domaine rendait les alentours surréalistes. Le chapiteau monté au-dessus des tables dressées non loin des attractions allumées donnait à l'assemblée des allures de fête nationale revisitée. Il était plus perturbant encore de voir mes proches discuter avec des célébrités internationales, des verres de champagne à la main, des petits fours dans l'autre, sur des mélodies tantôt classieuses, tantôt sur-vitaminées, jouées par un disc-jockey excentrique. Pour pallier au froid pénétrant de Décembre, de nombreux chauffages puissants avaient été accrochés à plusieurs pilonnes destinés à soutenir les tonnelles, ce qui me rassura beaucoup: ma peau exposée par la dentelle n'aurait pas supporté les deux degrés ambiants. Je déambulais entre les tables pour m'enquir du ressenti de chacun, désireuse de saluer et remercier tous ceux qui étaient venus nous entourer de leur amour ce jour là. Etrangement, cette union symbolisait pour moi le renforcement officiel de mes liens avec le monde de Michael. C'était comme si je voyais pour la toute première fois le réseau qui s'était doucement tissé autour de moi au fil des années en sa compagnie, comme si j'étais enfin apte à me considérer comme partie intégrante de sa vie. En cet instant, je me sentais en apesanteur, reliée au sol par une force inconnue, le coeur bordé de nuages et de coton. J'étais consciente du sourire béat qui étirait mes lèvres, et le regard attendri que m'offrit Katherine lorsque j'avançai vers elle ne fit que confirmer mon impression. Elle tendit les mains lentement dans ma direction et je m'en emparais précautionneusement, sentant des regards se poser dans mon dos.

-Tu es magnifique, dit-elle d'une voix faible. Tu n'as pas trop froid?

-Non, une chance que le temps soit sec, souris-je en agitant les épaules.

-Tu n'aimes pas l'humidité, c'est vrai, dit-elle en hochant la tête.

Elle eût un regard qui engloba l'assemblée qui bavassait avec enthousiasme, ses yeux sombres allumés d'un éclat semblable à celui qui habitait parfois le regard de son fils, puis elle reposa sur moi ses iris noires. Katherine avait toujours été d'une grande discrétion et d'une timidité exacerbée, elle me saluait toujours avec gentillesse et elle discutait parfois avec moi lorsque nous nous rendions à Encino, mais à présent, son visage exprimait une tendresse et une chaleur que je ne lui connaissais pas. Elle glissa ses mains autour des miennes pour les maintenir entre ses doigts fins, et ses lèvres rouges se fendirent d'un sourire léger.

-Je tenais à te remercier, souffla-t-elle.

-Me remercier?, répétais-je surprise. Pour quelle raison?

-Je me fais du souci pour chacun de mes enfants depuis leur naissance, dit-elle en fermant les yeux. Michael à pris tant de choses à coeur depuis tout petit, il à porté tant de responsabilités à bouts de bras, son regard me faisait de la peine. Et je ne me sentais pas assez forte pour le tirer de là.

Elle rouvrit ses paupières aux cils courts, ses yeux fouillèrent les miens quelques secondes avec une intensité qui me donna de légers picotements dans le bout des doigts. Je ne pus échapper à son regard, et je sentis une émotion me sourdre la gorge lorsqu'elle reprit la parole.

-Je sais que tu vois tout à fait ce dont je veux parler, poursuivit-elle. Je t'ai souvent vue le scruter du coin de l'oeil lorsqu'il ne parle plus depuis un certain temps. Ce sont ses yeux que tu cherches en premier.

-C'est le cas, oui, acquiesçai-je. Ils m'ont toujours aidée à savoir ce qu'il pouvait avoir en tête et... je dois avouer que son regard me faisait beaucoup de peine lorsque je l'ai connu.

-Qui sait ce qu'il avait en tête à cette période de sa vie, soupira-t-elle en secouant la tête. Mais lorsque tu es apparue, j'ai eu la sensation qu'un nouveau soleil venait de chasser les nuages qui lui embrumaient l'esprit.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant