Chapitre 37

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Impossible. Le seul mot qui réussit à franchir mes lèvres et qui tournoyait à l'infini dans mon esprit, c'était: "impossible". Michael avait passé des soirées, parfois des nuits entières à s'entretenir au téléphone avec l'architecte en chef travaillant sur la construction du ranch. Il loupait parfois des réunions pour passer un coup de fil, et il m'apostrophait régulièrement lorsqu'il visitait des musées, des parcs ou des magasins d'aménagement pour avoir mon avis sur tous les jouets et les styles de mobilier qu'il trouvait intéressants. Je savais comment il voyait le monde, je connaissais sa personnalité sur le bout des doigts, mais jamais, Ô grand jamais je n'aurais pu me figurer ce qu'il avait réussi à mettre sur pieds. Ce qui me sauta aux yeux de prime abord, ce fût la profusion de fleurs et d'arbres qui entouraient le domaine. Je me souvenais du ranch d'origine qui s'étalait sur d'immenses plaines trouées par des bassins artificiels, de troupeaux de cygnes et de canards, mais Michael avait fait planter une profusion de fleurs si nombreuses que le terrain embaumait d'une odeur fleurie exquise. La décoration qu'il avait imaginée regorgeait de symboles et de fantasque absolument saisissants. Michael était représenté partout, en peinture, en statue, à travers ses textes et ses œuvres favorites, et même dans les sculptures posées de-ci de-là à travers la végétation. Mais ce qui acheva de me faire perdre le pied avec la réalité, ce fût le spectacle grandiose des centaines d'attractions, toutes allumées pour notre arrivée. Des carrousels, des fusées, des toboggans, des tasses tournantes: j'avais l'impression d'être entrée dans un Disneyworld secret et complètement désert. Mes sens étaient brusqués de tous les côtés, les musiques stridentes donnaient le ton et suscitaient une joie et une allégresse qui donnaient envie de danser, une agréable odeur de beignets et de sucre flottait dans l'air et me replongea dans les souvenirs de fêtes foraines de mon enfance, et la profusion de lumières éblouissait et virevoltait devant mes yeux agrandis de surprise, laissant des traînées lumineuses imprimées dans ma rétine.

-C'est exactement le genre d'expression que je rêvais de te voir prendre, murmura Michael près de moi.

-Impossible..., soufflai-je ébahie. C'est impossible, ça ne peut pas être la vraie vie.

-C'est ce que je me dis à chaque fois que tu me dis "je t'aime", dit-il en glissant ses doigts dans ma main.

-Tais-toi.

Il rit en posant sa poitrine dans mon dos, ses bras passés autour de moi, et déposa sa joue contre la mienne. Depuis combien de temps n'avais-je pas ressenti cette joie proche de l'apesanteur, dénuée d'ombres, ce concentré de bonheur pur qui vide complètement le cerveau et affûte les sens? Quand je repense à cet épisode de ma vie aujourd'hui, je peux encore sentir le parfum émanant de Michael tout contre moi, se mêlant à l'odeur des gaufres et des beignets, la fragrance florale des bouquets garnis autour des attractions, et ce froid glacial qui tentait de percer à travers cette chaleur lumineuse provoquée par les lumières des attractions. Nous étions là, enlacés, un sourire émerveillé étirant nos lèvres, et rien au monde n'aurait pu briser ce moment là. Rien du tout.

-Les employés m'ont demandé de les prévenir quand nous serions là, dit-il. J'ai chargé Steve de le faire quand on est sortis de la voiture.

-Pourquoi faire?, lui demandai-je en contemplant la végétation lorsqu'il m'entraîna plus loin devant nous.

-Aucune idée, admit-il en haussant les épaules.

-Vu l'endroit où l'on est, je m'attends à tout, dis-je en serrant sa main dans la mienne. Michael, je n'arrive pas à croire que c'est notre maison. On va vivre ici tous les jours?

-Eh bien pas exactement car nous avons déjà dépassé la maison, dit-il en me montrant un chemin dallé. Je voulais te montrer les manèges, d'abord.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant