Chapitre 54

283 7 7
                                    

Naturellement, le tournage de Black or White fut mis en suspens. Le lendemain de la mort de Ryan, nous prîmes très tôt le matin un jet qui nous amena jusqu'en Indiana, là où se trouvait la maison du jeune garçon. Michael avait passé la nuit roulé en boule dans mes bras, il était resté reclus dans un mutisme qui m'inquiéta beaucoup, mais il accepta tout de même de partager un sandwich avec moi avant de dormir. Macaulay et sa famille restèrent dans le pavillon réservé aux invités, soucieux de nous laisser en paix pour cette soirée là, et je leur en fus reconnaissante. J'avais trouvé le lit vide en m'éveillant le lendemain sous les coups stridents du réveil, Michael se trouvait déjà dans le grand salon et il arpentait la pièce en marmonnant dans un gros téléphone. Habillé tout de noir, son Fedora posé en travers de ses boucles d'ébène, il avait enfoncé sa main gauche dans sa poche, mais je vis son poing serré sous le tissu fin. Sa veste noire comportant deux boucles en fer épais sur l'épaule reposait en boule sur l'une des chaises tirées, et je vis qu'il avait pris soin de poser mon propre veston juste à côté du sien. Il se détourna légèrement lors de mon entrée dans la pièce, et il tenta d'esquisser un léger sourire qui ressembla bien plus à une grimace de souffrance. Sur la table, une tasse de thé vide attendait d'être débarrassée près d'une tasse de café pleine et d'un pain rond posé sur une coupelle. En prenant place sur la chaise, je remarquai la confiture dont le pain était fourré et le couteau sali poussé un peu plus loin, et mon regard se releva vers le visage de Michael qui s'était de nouveau tourné vers la fenêtre. Il discuta près d'une dizaine de minutes d'arrangements - au vu des termes employés et du ton qu'il prit, légèrement plus insistant- puis il mit fin à la discussion en pinçant les lèvres d'agacement tout en s'avançant à grands pas pour tirer la chaise sur ma droite et s'y asseoir en lâchant un soufflement exaspéré.

-Maison de disques?, lançais-je.

-M'ouais, répondit-il. C'était bon?

-Très. C'est toi qui...?

-Oui, c'est moi.

Il réussit enfin à m'offrir une ébauche de sourire, mais ses yeux restèrent inertes. Touchée, je me penchais en avant pour embrasser la commissure de ses lèvres, et il tourna légèrement la tête pour embrasser les miennes, une main glissant contre ma nuque pour garder mon visage soudé au sien. Il n'ouvrit pas la bouche, il se contenta d'appuyer de plus en plus fort nos lèvres les unes contre les autres, sa main libre effleura mes côtes, puis il se recula légèrement pour plonger ses yeux bruns dans les miens.

-Tu réussis à être très jolie, même en noir, dit-il en penchant la tête. Nous allons probablement devoir dormir quelques temps à l'hôtel, tu es certaine que ça ne te dérange pas de m'accompagner?

-Evidemment que je n'y vois pas d'inconvénients, répondis-je en posant une main dans le pli de son coude. Ne t'ai-je pas juré d'être là en toute circonstances jusqu'à ce que tu en aies assez de moi?

-J'ai plus souvent tendance à penser que tu te lasseras de moi avant, ironisa-t-il avec un sourire de biais.

Mes yeux exaspérés le firent lâcher un ricanement sarcastique, et il se releva en effleurant tendrement ma joue.

-Alors allons-y, lança-t-il en s'emparant de sa veste qu'il enfila. Tu as pu donner tes affaires au personnel?

-Tim est déjà parti charger les bagages, confirmai-je en le suivant dans le long couloir menant au hall.

Il hocha la tête d'un air entendu, et ses yeux disparurent derrière ses lunettes de soleil noires. Dehors, l'aurore se dardait d'une rosé persistante, l'humidité cohabitait avec les reflets rouges des rayons du soleil qui dansaient contre les bâtiments inertes et les attractions à l'arrêt. Je poussais un soupir de soulagement en entrant dans l'habitacle sec de la limousine, provoquant les rires des agents de sécurité autour de nous.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant