Chapitre 42

348 10 7
                                    

Michael remonta le long des escaliers menant à l'entrée de la salle, précédé de Madonna qui souriait aux photographes avec entrain. Je n'entendais pas ce qu'ils leur demandaient, mais je vis Michael répondre quelque-chose brièvement puis entrer dans le complexe d'un bond agile. Je sentais le regard de Tatiana rivé sur moi, victorieux, attendant impatiemment ma réaction, mais mon cerveau était complètement amorphe. Mon être tout entier me hurlait de rétorquer quelque-chose pour la faire taire, mais ma bouche restait obstinément close.

-Ok, souffla Prince en tendant un bras vers la table du buffet. Tata, tu vas te rafraîchir un coup. Et toi, ajouta-t-il en m'attrapant la main, tu me suis.

Il me tira vers les loges sans laisser à Tatiana le temps de protester, les talons de ses bottines claquant sèchement sur le sol dallé de blanc. Il poussa la porte de sa propre loge tout en tendant son bras libre pour allumer les néons, puis il me tira en avant pour refermer la porte derrière moi. Contrairement à celle de Michael, la loge de Prince portait déjà des traces de vie. Des verres étaient entamés sur la table basse, des sachets jonchaient les canapés, et quelques pinceaux ornaient sa coiffeuse allumée. Il alla s'asseoir sur le tabouret face au miroir qu'il tourna dans ma direction, faisant glisser ses talons contre le sol net. Son regard pénétrant me toisa avec l'air de ceux qui attendent une confession.

-Quoi?, lançai-je en fronçant les sourcils.

-Je ne t'avais jamais vue perdre ton sang-froid si vite, déclara-t-il en croisant les jambes.

-Tu le fais exprès?, rétorquai-je agacée. Tatiana Thumbtzen, vraiment?

-Excuses-moi, grommela-t-il, je ne savais pas que je devais d'abord vérifier avec qui vous vous brouillez, pour décider si je passe du temps avec eux ou non.

Je cillai, la bouche ouverte. Pendant un instant, j'avais totalement oblitéré le fait que Prince n'avait absolument rien à voir avec la situation dans laquelle Tatiana nous avait plongés. C'était comme demander à Michael de tourner le dos à ceux qui critiquaient Prince: totalement absurde. Ma mine pensive arracha un sourire doux au chanteur qui me faisait face, et il agita la tête, faisant s'illuminer les sequins de sa capuche.

-Tu es une femme brillante, Ollie, dit-il en s'accoudant contre la table derrière lui. Ne laisses pas des idiotes te faire croire des bêtises.

-Des... mais enfin, tu...

-Cette fille n'en est qu'une parmi tant d'autres, rit-il. On s'amuse un peu et puis ciao. Je n'ai pas une vie aussi sage et spirituelle que Mick, tu devrais le savoir après tout ce temps.

Il m'affubla d'un sourire taquin qui m'arracha un rire vaincu. Loin de l'image ridicule que les médias dépeignaient de lui, Prince restait une personne infiniment gentille, et très douce.

-On se côtoie une journée tous les deux ans, dis-je en passant une main contre ma nuque. Ca ne m'aide pas à te connaître autant que tu sembles me connaître.

-Je suis particulièrement observateur, dit-il en levant une main vers mon chemisier de satin vert sombre et mon pantalon taille haute en cuire. Cette tenue te va mieux que toutes celles dans lesquelles je t'ai vue auparavant, par exemple, ajouta-t-il.

J'éclatais d'un rire franc cette fois-ci, ce qui parût le rassénérer. Il soupira en jetant un coup d'oeil vers la porte contre laquelle je me tenais, et ses yeux glissèrent ensuite sur la montre qu'il portait sous sa manche pailletée.

-Je crois que quelqu'un te cherche, dit-il. Il est vingt heures cinq.

Je lâchais un juron étouffé en me propulsant hors de la loge pour me ruer vers celle de Michael. Lorsque je voulus y entrer, je me cognais contre un dos imposant qui m'aurait fait tomber sur les fesses si Prince n'avait pas amorti ma chute à temps. L'homme en question, entièrement vêtu d'un costume trois pièces gris sombre, se révéla être Francis Ford Coppola, le réalisateur de Captain Eo. Son épaisse chevelure et sa barbe brune avaient légèrement viré au gris, et il m'offrit un regard surpris derrière sa monture aux verres volumineux.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant