Chapitre 19

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-Mick?, chuchotai-je en remuant doucement son épaule. Michael?

Il gémit de nouveau et je le sentis s'étendre juste à côté de moi. Son front glissa contre mon épaule.

-Mmh...

-Qu'est-ce que tu fais là?, l'interrogeai-je

-J'ai fait un cauchemar, expliqua-t-il d'une voix endormie. Et je pensais trop à l'album, impossible de me rendormir.

Il se redressa pour s'asseoir, et je vis son dos courbé dans la pénombre. Hormis le bourdonnement que produisait la climatisation, aucun bruit ne filtrait, ni dans la suite, ni à l'extérieur. L'étage entier était réservé à Michael et son équipe, les agents de sécurité dormaient donc dans les chambres voisines.

-Je ne voulais pas te déranger, marmonna Michael.

-J'ai juste été prise par surprise, répondis-je en plissant les yeux pour tenter d'apercevoir son visage dans l'obscurité. Tu as besoin de parler?

-Je ne sais pas, répondit-il hésitant. Tu es sûre que je ne te dérange pas?

-Tu es là, autant en profiter, répondis-je en tendant la main pour attraper l'interrupteur filaire près du lit. Attention les yeux!

J'allumai la lampe de chevet qui nous aveugla de prime abord. Michael avait plaqué ses mains sur son visage, mais lorsqu'il les fit glisser jusque sur son nez, ses yeux restèrent à demi clos. Le sommeil avait dérangé ses frisottis savamment coiffés d'ordinaire, et je vis à quel point ses cheveux avaient poussé. Son pyjama rouge était déboutonné au col, et je vis sa peau bicolore sous son cou replié. Sa posture repliée sur lui-même lui conférait un air fragile, loin des effusions de joie dont il m'avait fait la démonstration quelques heures plus tôt. A présent, Michael s'emmurait de nouveau dans sa bulle mélancolique, et son regard abattu empirait cette impression. Je tentai de le dérider en me déplaçant avec des gestes délibérément exagérés et me postai face à lui en me laissant retomber sur les fesses, ce qui lui arracha un petit sourire, mais sans plus.

-Je t'écoute, dis-je en posant ma joue sur mon poing. Tu veux me parler de ce cauchemar?

-Pas en détail, déclara-t-il en pinçant la bouche. J'ai rêvé que mon père m'enfermait dans une boite en bois pour m'empêcher de sortir Thriller. Dans le genre de celle que j'ai utilisée pour Jack, tu vois un peu le genre.

Il fronça les sourcils en fusillant le matelas du regard. Ses doigts trifouillaient un morceau du drap nerveusement.

-Il me traitait comme un animal, poursuivit-il d'une voix éteinte. Il me disait que je m'en rapprochais à cause de mon gros museau et des tâches blanches sur mon corps.

Par réflexe, il leva sa main aux longs doigts devant son nez et se cacha derrière. Sur l'os de son poignet, un léger point décoloré refléta la lueur de la lampe de chevet. Sa profonde détresse m'élança le coeur, et je cherchais une façon de le consoler sans le brusquer. De nouveau, Michael m'apparût comme un jeune homme fragilisé à l'extrême, aussi délicat qu'un fin fil de soie. La sensibilité qui le caractérisait si bien engobait chaque facette de sa personnalité, et il semblait constamment sur le point de se déliter.

-Tu sais bien que c'est faux, arguai-je d'une voix douce. Tu es contrarié par le vitiligo, ton subconscient retraduit tes préoccupations pendant la nuit. Tu es sûr qu'il n'y à que ça?

-Je me déteste, dit-il avec rage en serrant le poing. Si tu savais comme je me déteste.

-Michael...

Il se mordit la lèvre en toisant avec haine le drap serré dans son poing. Lorsque les larmes affluèrent au coin de ses yeux, je compris qu'argumenter me serait inutile, du moins pour cette nuit. J'eus une moue contrite en m'appuyant sur mes bras pour me repositionner sur sa gauche, puis je posai mes mains sur ses épaules pour l'inciter à s'allonger près de moi. Il se tourna sur le flanc droit, dos à moi, et je passai un bras sur son torse pour le serrer contre moi, le nez enfoui à la base de sa chevelure, inspirant l'odeur douce de sa nuque. Mon bras droit reposait au dessus de nos tête, et je sentis ses doigts chercher les miens pour les entremêler avec force. Il renifla, et sa main gauche glissa sous sa joue. Ainsi recroquevillés l'un contre l'autre, nous attendîmes, silencieux, que son chagrin sorte, qu'il puisse pleurer de tout son soûl et évacuer la mélancolie qu'il retenait en lui. Après de longues minutes sans plus bouger d'un poil ni émettre aucun bruit, je finis par éteindre la lampe de chevet du bout des doigts tendus, et reposai ma main au-dessus de nos têtes en douceur. Michael paraissait s'être endormi, et je ne tenais guère à le réveiller de sa torpeur épuisée. Je bâillai, la tête dans la couverture passée sous nous, quand je sentis des doigts enlacer les miens doucement.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant