The make up artist

Chapitre 16

La branche au-dessus de moi s'agita lorsque la pie qui s'y trouvait s'envola en lâchant des pépiements rapides. Le chaton roulé en boule entre mes jambes croisées leva des yeux intéressés vers l'oiseaux qui décrivit des cercles dans le ciel et déclina dans l'horizon d'azur. Avec un petit soupir las, Jack étendit une patte noire et reposa sa tête contre mon genou pour poursuivre son somme en ronronnant doucement sous mes caresses. A quelques pas de là, Louie broutait l'herbe entourant la grange, jetant par à coups des regards vers le chaton qui avait pris la fâcheuse manie de visiter son enclos, attisé par la curiosité. Il réclamait quelques caresses en me poussant de sa grosse tête aux poils blancs ébouriffés, puis il retournait manger dans un coin du jardin.

Lorsque j'avais été contactée par l'agent de Michael bientôt deux ans auparavant, j'avais pensé avec excitation aux changements qui adviendraient dans ma vie. J'avais imaginé des tournées survoltées, des rencontres qui marqueraient mon existence à tout jamais, mais j'avais été bien loin d'imaginer la situation dans laquelle je me trouvais aujourd'hui.

Mon studio en plein cœur de Los Angeles était devenu le dernier endroit où je pouvais poser les pieds. Suite à l'article paru dans le journal, mon visage ainsi que mes informations personnelles avaient été retrouvées par je ne savais qui, et le reste des paparazzis et de la presse s'étaient emparés de mes coordonnées afin de me coincer là où j'allais le plus souvent. De ce fait, Michael et ses sœurs m'avaient convaincue de rester chez eux pendant quelques temps, histoire de laisser l'affaire se tasser. Les agents de Michael avaient pris l'affaire en main, et des poursuites auraient lieu prochainement pour l'auteur de la rumeur qui circulait.

Cette situation finit par nous arranger pour le côté pratique de ma proximité: Michael passait ses journées et ses nuits enfermé dans son studio pour travailler avec Quincy Jones, et il n'en sortait que pour utiliser la salle de bains ou grignoter avec son producteur et les arrangeurs de son avant de s'éclipser de nouveau. Il dormait parfois à même les canapés de son studio d'enregistrement, et son visage aux traits tirés témoignait du labeur dans lequel il était investi. Parfois, il était question de tourner quelques séquences pour garder une trace de la construction de l'album, en plus des enregistrements audios que Michael tenait à faire, et j'étais donc amenée à venir corriger le teint du jeune chanteur avant les prises.

Un soir, vers la fin du mois de Mai, Bruce Swedien, l'ingénieur son à l'allure imposante et à l'épaisse moustache grise vint me trouver dans le salon en m'annonçant que Michael allait enregistrer quelques vidéos pour donner des indications sur l'album. Je le suivis donc dans l'aile de la maison la plus éloignée des lieux de vie, et entrais dans une pièce fermée par une porte en acajou dans laquelle je n'avais jamais mis les pieds. Le studio d'enregistrement ressemblait à s'y méprendre à un petit salon comportant deux canapés l'un en face de l'autre, meublé, comportant même une cheminée et une bibliothèque. Dans le fond de la pièce, une vitre séparait l'espace d'enregistrement dans lequel Michael et Quincy se tenaient penché sur des tables de mixage, visiblement préoccupés. Bruce toqua à la vitre, et lorsque Michael me vit, un sourire étendit ses lèvres. Il vint nous ouvrir, Quincy sur les talons, et me serra contre lui avec chaleur.

-Ca va, dit-il avec un air soulagé, je ne t'ai pas coupée en plein travail.

-Non pas du tout, répondis-je en embrassant Quincy, j'ai terminé les réunions projet avant hier.

-Ah le défilé Vogue?, interrogea Quincy en s'asseyant dans le canapé. Ca avance?

-Pas vraiment, dis-je dépitée. Ils veulent me laisser le champ libre, mais ils balayent toutes mes idées. On à fini par valider des modèles de maquillage qu'ils font régulièrement.

-Ce monde me fascine, renifla Quincy en secouant la tête. Ils essaient de se donner bonne figure en embauchant de jeunes talents, mais ils refusent de leur laisser la bride sur le cou.