Chapitre 43

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Michael virevoltait. Ses bras ondulaient autour de lui comme des drapeaux secoués par le vent, son corps fin tournoyait sur lui-même en suivant les gestes de ses mains, et sa chemise coincée dans son pantalon ressortit légèrement lorsqu'il se stoppa subitement, une main sur sa poitrine, l'autre rejetée vers l'avant. La chanson qu'il écoutait pour se donner un rythme s'acheva dans un doux murmure, et il abandonna sa pause figée avec un soupir agacé.

-Raté, annonça-t-il en se dirigeant vers la grosse chaîne hi-fi pour stopper la musique qui venait de se lancer.

Il vint ensuite à ma rencontre en étirant ses bras vers le haut, puis il se fraya un chemin entre mes jambes perchées sur la table de bois dans le fond de sa salle de danse. Ses bras se posèrent dans mon dos, et il me câlina doucement en nous faisant tanguer de gauche à droite.

-Rien n'y fait, susurra-t-il lentement, je n'arrive pas à me concentrer.

-Je t'ai trouvé fabuleux, moi, répondis-je d'une voix étouffée. Je ne dois pas avoir ton oeil avisé.

-Pas pour la danse, rit-il en embrassant le sommet de ma tête. Je suis très critique envers moi-même.

-Rappelles-moi de ne jamais auditionner pour devenir l'une de tes danseuses alors, annônai-je.

Je le sentis secouer la tête au-dessus de moi lorsqu'il raffermit sa prise autour de ma taille. L'annonce de Soraya nous avait plongés dans un drôle d'état préoccupé qui refusait de s'épanouir d'avantage. Nous étions tous deux complètement ailleurs, comme si nous venions d'apprendre le décès de quelqu'un de proche, et nous étions incapables de faire quoi que ce soit pour nous changer les idées. Michael avait tenu à nous amener dans la salle de danse du cinéma, mais là aussi, il ne semblait pas réussir à penser de façon cohérente; et personne ne lui en voulait pour ça, moi la première. J'étais mi- furieuse, mi- choquée de ce que nous venions d'apprendre. L'attitude de Jermaine à notre égard avait tant changé depuis quelques temps, j'avais entrevu une éclaircie dans nos relations à tous les trois, et j'avais nourri l'espoir que tout irait de mieux en mieux entre les deux frères. Mais une fois de plus, il venait de nous prouver qu'il restait d'une jalousie débordante envers Michael, et dès qu'une occasion de faire parler de lui-même pointait le bout de son nez, Jermaine s'en saisissait sans hésiter, en dépit de tout le reste.

-Dire que j'ai tenu à prévenir ma famille en premier pour ne pas les décevoir, lâcha soudain Michael d'une voix tendue. Je me fais trahir par l'un d'eux, c'est d'une ironie...

-Qu'allons-nous faire?, soufflai-je. Je ne me sens pas prête à accorder une interview, encore moins à tout nier.

Je me reculai pour lorgner son regard préoccupé. Il avait de nouveau cette mine chagrinée qui le rendait infiniment vulnérable et friable, et j'eus un flash subit de la personne qu'il était six ans auparavant. Je détestais le voir si mal en point, et ma main se tendit d'elle-même vers sa joue pour baisser son visage vers le mien.

-Regardes-moi, dis-je en plantant mon regard dans ses yeux éteints. Tu n'es pas seul, d'accord? Nous sommes deux à être concernés, et tu vas avoir le soutien de ta famille. Tu as pensé à ce que Janet doit être en train de lui faire, à ton frère?

Il eut un petit sourire triste qui me brisa le coeur. Visiblement, j'allais devoir y mettre plus de volonté pour le sortir de la torpeur mélancolique dans laquelle il était plongé. J'avais entre les mains le visage de l'homme le plus adulé de la planète. Un bref instant, j'eus une pensée pour la jeune fille de quinze ans que j'avais été, et qui l'observait chanter à la télévision avec des yeux brillants. Combien aurais-je donné à l'époque pour avoir la chance de l'apercevoir dans la rue? J'avais suivi tant d'interview de Michael dans cette période de ma vie, je me souvenais très clairement de la première fois où il avait confié avoir du mal à se faire des amis, et mon étonnement avait été colossal. Comment pouvait-on être à la fois si doux, si gentil, et si seul? J'avais tant désiré pouvoir le croiser ne serait-ce qu'une seule fois dans mon existence, rien que pour lui signifier à quel point je tenais à lui et à sa musique. Aujourd'hui, mon vœu s'était réalisé au delà de mes rêves les plus fous. Michael était bien là, en chaire et en os, le bassin coincé entre mes jambes perchées sur une table de bois, au beau milieu de sa salle de danse personnelle, dans un ranch immense. L'aplomb avec lequel je plantais mon regard dans le sien le prit au dépourvu, il leva doucement les sourcils, et ses mains glissèrent contre mon bassin.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant