Chapitre 55

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-Non, non, non et non!

John leva les bras vers le plafond du studio en esquissant une mine de souffrance extrême qui me fit légèrement sourire. Au centre de la pièce censée représenter une chambre d'enfant, Macaulay tourna vers le producteur son visage juvénile chiffonné par une grimace penaude. Son air confus suffit amplement à faire étouffer un rire à Michael assis près de moi, et Pamela dût se pencher en avant et plaquer une main contre les lèvres de notre supérieur présumé en roulant des yeux effarés. Derrière elle, Andy appuya le haut de sa brosse contre son menton en se retenant de rire avec difficulté.

-Mac, grogna John en avançant sur le plateau, il me semble t'avoir déjà répété trois fois de ne pas faire de geste obscène devant la caméra. Le clip va être censuré avant même sa diffusion sur les écrans!

Il y eut un sifflement collectif qui fit se retourner le producteur de Thriller avec un haussement de sourcils surpris. Le staff était au courant depuis nos débuts sur le premier album solo que le terme de "clip" était banni sur les tournages. Michael avait une sainte horreur de cette appellation, et il le rappela à John avant de couler un regard tendre dans ma direction. Sa main glissée dans la mienne se resserra, et l'habituelle tension naquît au creux de mon estomac.

-Oui, au temps pour moi, soupira John en se tournant de nouveau vers Macaulay qui recommençait déjà à faire le pitre. MAC!

Le tournage de Black or White avait enfin repris son cours, Michael remontait doucement la pente sur laquelle il avait glissé lors du décès de Ryan: il prenait régulièrement des nouvelles de Jeanne Elaine, il s'était remis à manger de façon correcte, et il recommençait à fredonner des airs qui m'étaient inconnus du matin au soir.
Il avait également gagné une bataille avec le label produisant Dangerous afin d'y ajouter Gone too Soon. Après une quinzaine de jours de négociations, son insistance avait fini par payer.

-Arrêtes de rêver et donnes-nous un coup de main, me héla Andy en ajustant les mèches de cheveux de Michael. Je ne peux pas le coiffer tant que tu n'as pas terminé le maquillage.

-Mince, Dandy est de mauvaise humeur, ironisa Michael en m'observant attraper un pinceau et le tremper dans le fond de teint étalé sur le dos de ma main. C'est lequel cette fois-ci, tu penses?

-Olivier, répondis-je en secouant la tête. A chaque nuit passée dans ses bras, il revient aussi agacé qu'un Tito sans crevettes grillées.

-Vous savez ce qu'il vous dit, Dandy?, grommela Andy en prenant ma suite auprès de Michael.

-"Je vous aime plus qu'Olivier"?, sourit Michael en posant sa main contre ma hanche.

-Allez vous faire foutre, lâcha-t-il en plissant le nez. Et arrêtes de la tripoter pendant que je te coiffe.

-T'es jaloux?, intervint Pamela en glissant ses mains sous la chemise à carreaux du coiffeur.

Andy la repoussa puis il tenta de la frapper avec son peigne sous nos rires moqueurs. Au loin, je vis John croiser les bras en secouant la tête avec un air de profonde lassitude. Le tournage reprit sur la danse de rue qui mêlait Michael et des danseurs russes sous une fausse neige cotonneuse que les assistants du décor étaient en train d'arranger dans d'immenses toiles destinées à être déployées face à de larges ventilateurs. Je rejoins le producteur à pas vifs pour débarrasser le champ des caméras.

-Comment va-t-il?, susurra John lorsque les assistants firent le décompte avant de lancer les caméras.

-Bien, répondis-je en suivant des yeux la chorégraphie de Michael qui virevoltait au centre des danseurs russes. Mieux, du moins.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant