Chapitre 53

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-BOUH!

Prise de court, je fis instinctivement un bond en arrière en avalant une grande goulée d'air, faisant passer mon jus de fruits par-dessus le bord du verre que je tenais dans la main. Le coeur battant à tout rompre, je baissais le menton vers les deux petits yeux bleus plissés sous un rire incontrôlable qui dépassaient de derrière une porte épaisse. J'eus une grimace de dégoût en sentant la boisson fraîche ruisseler sur mes doigts enroulés autour du verre détrempé: j'allais devoir retourner dans la salle de bains pour me débarrasser du sucre collant. Comme je m'y étais préparée, il n'y eut non pas un, mais deux rires qui fusèrent de derrière la porte entrouverte, et celui provenant de derrière la petite tête blonde hilare était de loin le plus strident. Le petit garçon se courba en deux, les bras passés autour de son ventre, le souffle heurté par le fou-rire qui le secouait. Mes sourcils froncés n'arrangèrent absolument rien à son amusement, je vis même des larmes perler au coin de ses yeux lorsqu'il se redressa pour me lancer un regard d'excuse.

-Désolé Ollie, hoqueta-t-il en essuyant son visage. On ne savait pas que tu apportais ton verre dans le salon.

-Oui c'est tout à fait normal, Mac, répondis-je en arquant un sourcil. Ce n'est pas comme si je revenais du couloir qui mène aux cuisines, mmh?

Il se mordit la lèvre dans une lutte manifeste pour ne pas se remettre à rire, et j'entendis un léger ricanement fuser derrière lui. Evidemment, ces deux là étaient forcément de mèche, mais m'était d'avis que son compère était conscient du courroux qui risquait de s'abattre sur lui. Je me penchais en avant, les mains sur les hanches, une moue complice sur mes traits qui incita le jeune garçon à m'imiter. Son sourire taquin s'élargit et je dus me retenir de ne pas me mettre à glousser à mon tour.

-Dites-moi jeune homme, auriez-vous un petit fantôme de compagnie?

-Pas du tout!, répondit-il en me lançant un coup d'oeil entendu. En fait, les gens le connaissent plus sous la forme d'un revenant tout gris. Il vire parfois au vert.

Un nouveau rire aigu fusa, soudainement stoppé, et je sentis la commissure de mes lèvres s'élargir: sans surprise, Michael réussissait à être plus enfantin qu'un petit garçon de onze ans. Macaulay sourit, mais ses yeux roulèrent de lassitude. Depuis trois semaines maintenant, le jeune garçon et sa famille avaient investi Neverland, à ma plus grande joie et celle de Michael. Le tournage du court-métrage de Black or White devait survenir quelques jours plus tard, et les réunions de travail allaient bon train. Nous nous entretenions régulièrement avec le reste du cast pour auditionner les danseurs, les figurants, monter les chorégraphies, les répéter et peaufiner le déroulement de l'histoire. Pour l'heure, Michael prenait une pause méritée au ranch après une journée entière de répétitions, nous étions donc retournés à Neverland avec la ferme intention de nous reposer et faire un briefing de la journée. J'avais été naïve de croire à un repos immédiat: Macaulay et Michael passaient l'essentiel de leur temps libre à imaginer des plans pour jouer des tours à tout notre entourage. Naturellement, je n'y coupais pas.

-Ce mort revenu à la vie se trouve-t-il derrière toi?, repris-je sous le regard amusé de Macaulay.

-Oh pour sûr!, répondit-il en agitant les sourcils. Ca sent un peu trop le pourri si tu veux mon avis. Il à passé sa journée à se dandiner comme un dément.

-Eh!, s'indigna la voix cachée derrière la porte. Je suis passé sous la douche en rentrant!

Les yeux bruns de Michael surgirent soudain, ses boucles noires retombant jusque sur son nez en suivant le mouvement brusque de sa tête. Il nous observa avec une mine scandalisée avant de se rendre compte de son erreur et d'esquisser un sourire d'excuse dans ma direction lorsqu'il aperçut le jus de fruits qui maculait le sol et le bas de mon pantalon.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant