Chapitre 21

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Le succès de Thriller était prévisible. Lorsque j'y repense aujourd'hui, je peine à croire que des gens aient pu en douter -Jermaine le premier. Cet album était un véritable ovni, une bombe tout droit tombée du ciel, éclaboussant l'industrie musicale occidentale, mondiale. Dès la sortie des premiers singles, Thriller se positionna en tête des classements nationaux et mondiaux, la presse s'enflamma, la télévision devint obsédée par Michael, les radios diffusaient en permanence ses titres, et le téléphone de la maison familiale ne cessait de sonner. Nous fûmes tous profondément surpris des éclaboussures que le succès de l'album provoquèrent: chez nous aussi, membres de son équipe, le téléphone s'affolait, je dus même faire migrer ma ligne pour retrouver un semblant de calme.

En revanche, pour Michael, ce fût un succès en demi teinte. Il me confiât être fou de joie du succès retentissant de ses morceaux, mais le revers de la médaille commençait à le peser. Si Off the Wall l'avait démarqué de ses frères et avait prouvé son talent, Thriller l'avait érigé en une sorte de Dieu vivant et avait achevé de le reléguer au rang de phénomène surnaturel en dehors du commun des mortels. A chacune de ses apparitions, Michael se voyait contraint de se ruer d'un point A à un point B entouré de ses agents de sécurité, de fuir la foule qui l'encerclait et hurlait son prénom, qui tentait de l'attraper ou lui arracher ses vêtements et qui tirait sur ses mains, ses bras, et qui finirent par l'isoler totalement. Chaque soir, mon téléphone sonnait vers vingt et une heure, et la voix de Michael retentissait dans le combiné, mélancolique, teintée d'un pauvre petit sourire las. Nous n'avions pas de discussions très importantes, il me racontait ses journées, me donnait parfois quelques idées pour les clips qu'il prévoyait de tourner, mais la plupart du temps, nous parlions de tout et de rien.

-Les enregistrements studio pour Victory ont commencé, me confia Michael un soir de Janvier. Je suis épuisée.

-Comment comptes-tu t'organiser?, interrogeai-je avec inquiétude. Le tournage de Billie Jean est pour bientôt, non?

-Dans une semaine oui, précisa Michael. Mais je gère, ne t'en fais pas.

Il eut un petit rire triste qui me serra le coeur. Michael restait incapable de refuser quoi que ce soit à ses frères au détriment de sa santé, et j'étais convaincue qu'il finirait par le payer d'une façon ou d'une autre.

Lorsque je le retrouvai sur le tournage une semaine plus tard, je vis à ses cernes sombres que je ne m'étais pas trompée. Michael était en grande discussion avec Steve Barron, le réalisateur du clip, visiblement préoccupé par un défaut technique. Les ingénieurs son me saluèrent avec entrain lorsque j'allai poser mon matériel sur les tables disposées dans le fond de la salle, et je rejoins Pamela occupée à trier ses affaires. Lorsqu'elle me vit, elle eut un soupir de soulagement et me serra contre elle.

-Dieu soit loué tu es là, dit-elle en me tendant un gobelet de café noir. Je suis tellement angoissée que j'en perds complètement la boule.

-Il n'y à pas de raison, répondis-je, Michael gère.

-Mais si je foire l'habillage c'est fini, dit-elle en s'asseyant sur un tabouret. Andy n'est toujours pas là?

-Non, observai-je, il n'y avait que moi sur la route.

Au loin, je vis Michael promener son regard dans la salle tout en poursuivant sa discussion avec Steve. Lorsqu'il me vit, il esquissa un sourire et me fit un petit signe discret, ce qui n'échappa à Pamela. Elle croisa les bras et m'asséna un coup de coude dans les côtes qui m'arracha un gémissement de douleur.

-Eh!, lançais-je en me frottant l'endroit où elle m'avait frappée. Qu'est-ce qui te prend?

-Vous croyez que personne ne vous voit tous les deux?, interrogea-t-elle avec un sourire en biais.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant