Chapitre 26

389 15 7
                                    

Un an et demi plus tard, aux abords de Los Angeles.

Vous aimeriez m'entendre dire que suite à cette soirée des Grammy, Michael et moi sommes devenus plus qu'un artiste et sa maquilleuse personnelle? C'est ce que j'espérais aussi, ce soir là. Mais ce n'est pas du tout ce qui s'est passé, évidemment.
Les récompenses n'étaient qu'une introduction traînante à la mise en branle de la machine Michael Jackson. Cette cérémonie des Grammy à laissé place à l'annonce de la tournée Victory, que Michael n'avait pas tellement envie d'honorer. Mais pour ses frères, il avait fini par céder et s'impliquer dans cinq mois d'une tournée explosive. Triumph avait donné le ton sur le fossé séparant les six frères, Victory acheva de couper le cordon. Il n'y en avait quasiment plus que pour Michael, et lorsque celui-ci quittait la scène pour venir se changer en laissant le champ libre à Jermaine, la tension redescendait considérablement. Quand la tournée eut touché à sa fin, chacun repartit de son côté après l'annonce officielle faite sur scène par l'ancien enfant prodige de la musique: c'était la dernière fois que le monde profiterait d'un concert réunissant les six frères.
Il y eût un nombre incalculable de cérémonies en tous genres qui réunirent de nouveau Brooke et Michael, mais je pris plaisir à les voir ensemble. J'eus la chance de pouvoir la rencontrer et passer du temps avec la jeune actrice, et sa douceur m'avait conquise moi aussi. Ces cérémonies ponctuaient un emploi du temps bien trop fourni, et Michael dût également se charger d'autres projets dont les plus gros morceaux résidaient dans le tournage de Say Say Say, mais aussi le projet qu'il avait monté avec Lionel Richie et Quincy Jones: We Are The World. L'expérience avait été éprouvante, mais elle m'avait permis de rencontrer des artistes que je n'avais jamais vu qu'en couverture de magasine et croyez-moi, déjeuner coincée entre Ray Charles et Tina Turner fût l'une des plus belles expériences de toute ma vie.
Le problème de tout cela, ce fût immanquablement ce que Michael dût subir en revers de médaille. Sa notoriété était telle que sa liberté en était complètement dissoute, et il ne mit plus jamais un seul orteil dans mon appartement. Ses voitures étaient épiées, son emploi du temps fuitait, et son visage bien trop reconnaissable ne passait plus du tout inaperçu malgré les chapeaux et les lunettes. Il attisait les hurlements et les attroupements dangereux, et lorsqu'un soir un mouvement de foule me provoqua un arrêt de travail suite à un poignet presque cassé, Michael finit par m'imposer à moi aussi un service de sécurité.

Ne vous y méprenez pas, nous ne nous ignorions pas, bien au contraire. Je ne cessais de le surprendre à river son regard sur moi lorsque j'arrangeais un maquillage sur la tournée Victory, ou lorsque l'un de ses amis discutait avec moi loin de lui. Nous plaisantions toujours de bon coeur, mais le travail était là. Le travail filait, et nous devions éviter de nous éparpiller. C'est ça, le show business. Encore plus lorsque l'on s'appelle Michael Jackson et que l'on est fiancé à son travail.

Un an et demi après cette fameuse soirée donc, je rejoins un plateau de tournage à Los Angeles, escortée de Tim et Matt, mes agents de sécurité. Comme à l'ordinaire, une foule se pressait aux abords de la salle, et nous pûmes nous frayer un chemin en voiture après avoir montré patte blanche auprès de la sécurité. Je pus m'extirper sans encombre de la voiture -le ciel remercie Tim et sa main aidante pour m'éviter de trébucher une nouvelle fois- et rejoindre les locaux en bâillant derrière ma main tendue. Les équipes s'affairaient déjà à l'intérieur, nous étions en fin de tournage et les délais commençaient à sérieusement s'étioler. Tout en farfouillant dans mon sac, je saluai l'équipe de production qui discutait vivement et rejoins le couloir menant aux chambres faisant office de loge en tirant sur ma valisette. Un homme appuyé contre un mur observait l'intérieur d'une petite boite rectangulaire, l'oeil collé contre une interstice. Ses épais cheveux noirs bouclaient en tous sens sur son crâne, et son épaisse barbe noire se distendait sous les mimiques qu'il esquissait pour ajuster son oeil contre le carton troué. Avec un sourire, je me stoppais et tapotai son épaule, et il eût un sursaut violent en manquant de lâcher ce qu'il tenait entre les mains.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant