Chapitre 18

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-Tout va bien?

Michael s'était penché vers moi, ses doigts entourant la branche de ses lunettes abaissées au bout de son nez. Il regarda mes mains crispées sur ma cuisse, et releva les yeux vers les miens avec une mine ennuyée. Non, ça n'allait vraiment pas bien, je n'avais encore jamais discuté avec des journalistes, encore moins donné une interview aux côtés de l'homme le plus photographié au monde. Être à ses côtés me rassurait un peu, et pouvoir m'exprimer sur la situation dans laquelle j'étais plongée malgré moi me semblait important, mais toute cette attention m'angoissait, je ne savais pas comment me comporter, j'avais peur de commettre une erreur, de mal m'exprimer.

-Parles-moi, insista Michael en se penchant d'avantage sur moi. J'entends les rouages de ton cerveau d'ici.

J'esquissai un sourire, ce qui parût le rassurer.

-Je n'ai jamais donné d'interview, dis-je tendue. Ca me fait un peu peur.

-De quoi as-tu peur?

-Dire quelque-chose qui donne lieu à une mauvaise interprétation.

-Je relirais les réponses avant leur départ.

-Donner une image différente de ce que je suis réellement.

-Les gens te verront toujours différemment, argua Michael avec un sourire triste. Je suis loin d'être l'homme puissant et vaniteux que l'ont dépeint dans la presse.

Derrière lui, le journaliste attendait, l'air sincèrement mal à l'aise. Voyant que le reste de son équipe patientait elle aussi, je lâchais un soupir.

-Rappelles-moi à l'ordre si je dis une bêtise, dis-je en croisant les jambes.

-Je te frapperais très fort derrière le crâne, ricana Michael en se dissimulant de nouveau derrière ses ray-ban noires.

Il fit signe au journaliste qui se précipita sur le siège face au notre et un assistant posa sur la table je magnétophone destiné à enregistrer nos réponses. Son micro dans la main, il attendit le décompte silencieux de son associé et leva vers nous ses lunettes à l'épaisse monture carrée.

-Bonjour Monsieur Jackson.

-Bonjour.

-Comment se porte-t-on quand on enregistre un nouvel album?

L'interview commença de façon plutôt banale. Le journaliste interrogea Michael sur son précédent album et la tournée achevée une année auparavant, puis il le questionna sur le genre musical vers lequel il souhaitait se tourner pour Thriller. C'était toujours le même scénario: attaquer avec des questions professionnelles, puis basculer lentement vers des interrogations plus intimes. Lorsque le journaliste demanda à Michael s'il avait le temps de s'intéresser aux femmes, celui-ci relâcha les épaules et eût un demi-sourire.

-Si vous considérez mon futur album comme une jeune femme, alors je suppose que la réponse est oui, rit-il doucement. Non, en vérité je suis plongé dans le travail. Je me lève studio, je mange studio, je respire studio. Je n'ai pas vraiment le temps de m'atteler à autre-chose, c'est tout juste si je croise mes frères et sœurs depuis quelques mois.

-Mais vous vivez pourtant avec Mademoiselle Dangton, répliqua le journaliste en me lançant un regard bref. Elle est ici avec nous aujourd'hui. Avez-vous quelque-chose à dire au sujet de la photo de vous qui a fait connaître votre visage dans le monde entier?

Michael ne tourna pas la tête vers moi, il renifla en me laissant le temps de formuler ma réponse. Les mains moites, je carrais les épaules en tâchant de garder une voix mesurée.

The make up artistOù les histoires vivent. Découvrez maintenant