La jeune femme cligna des yeux, le fixant les sourcils froncés, puis s'avança timidement vers lui. Elle ignorait où se placer et comment. Une gêne intense l'avait envahie. D'un mouvement de la tête, Aras lui indiqua de s'allonger comme elle le faisait jusqu'à présent mais cette fois-ci sur ses bras. Alors qu'elle allait se laisser aller dans l'eau, son dos entra en contact avec les mains de l'homme et elle se redressa brusquement, au comble de la gêne. Elle sentait déjà ses joues chauffer.
Son esprit l'avait soudain conduite à une vision dont elle se serait bien passée dans l'immédiat : elle s'était vue nue au clair de lune, dans cette mer paradisiaque, avec Aras qui échauffait son corps d'une façon indescriptible. Il caressait sa peau avec une douceur inconnue, inédite. Des frissons la transperçaient de toute part, si bien que ç'en était douloureusement grisant.
Il fallait qu'elle se reprenne. Elle qui était pourtant passée maître dans l'art de la séduction par le passé, elle avait l'étonnante impression que tout cela venait de s'envoler. Elle reprenait tout à zéro, comme une adolescente avec son premier amour... Elle découvrait le désir intense qu'on pouvait ressentir pour un homme pour la première fois. Et tout cela, cette candeur lumineuse, était loin de lui déplaire...
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda Aras surpris par son redressement brusque.
Un petit sourire s'étira sur les lèvres de Rosa.
- Ce n'est rien, le rassura-t-elle en se laissant aller dans l'eau à nouveau.
Aras passa ses mains sous son dos pour la soutenir à la surface. Malgré lui, il sentait ses doigts s'enfoncer dans sa peau, il en sentait toute la douceur. Il rêvait d'en explorer les moindres recoins. Puis la dureté de ses côtes qui semblaient vouloir déchirer son épiderme de l'intérieur le rappela à l'ordre. Pas de geste irréfléchi...
Il sentit le corps fin et léger de la jeune femme enfin se détendre dans ses bras. Comme bercée par la tiédeur de l'eau, ses muscles se décontractaient de seconde en seconde et elle s'abandonnait totalement.
- Maintenant ferme les yeux, murmura-t-il.
Elle riva son regard clair sur lui, comme pour le sonder un instant, avant de fermer les paupières.
- Et respire...
Il posa une main sur le haut de son ventre, juste en dessous de sa poitrine couverte par le tissu de son maillot de bain qui la mettait en valeur. Rosa se contracta brièvement à ce contact mais s'appliqua à inspirer profondément, et ses sourcils se défroncèrent. Elle sentait la main de l'homme monter et descendre, suivant son rythme respiratoire lent. Après un temps qu'elle ne put préciser, c'est à peine si elle décela le fait qu'Aras changeait de position pour se mettre derrière elle. Maintenant, il ne la soutenait pratiquement plus. Une impression de légèreté intense l'envahit. Seule une main en dessous de sa nuque manifestait de sa présence rassurante. Rosa flottait sur l'eau sans difficulté, portée et bercée par les vagues. Cette sensation était magique...
Quand il écarta une mèche de cheveux humides de son front, Rosa se résolut à entrouvrir les yeux et à briser cette bulle qui l'avait conduite hors du temps. Au bord de l'endormissement, le soleil était soudain trop lumineux pour elle. L'homme répondit à son sourire qui brillait sur son visage.
- Comment te sens-tu ?
- Incroyablement apaisée. C'est la première fois que je ressens une telle quiétude.
- Alors mon but est atteint, souffla-t-il.
Rosa, toujours allongée à la surface, tendit une main jusqu'à effleurer le visage de l'homme. Puis, à l'identique de lui, elle retira une mèche de cheveux qui tombait devant ses yeux. Elle glissa ses doigts derrière sa nuque et l'attira vers elle jusqu'à poser ses lèvres sur les siennes. Le baiser était tendre, avec un léger goût de sel.
Lorsqu'ils rompirent leur baiser, Aras avait des étoiles dans les yeux.
- Plus qu'un but atteint, tu dépasses toutes mes espérances les plus folles.
Rosa rit doucement avant de se redresser.
Ils passèrent les heures suivantes entre la plage et la mer, tantôt discutant de tout et de rien, tantôt dans des silences apaisés.
~~~
La nuit venue, le couple avait passé un certain temps sur le ponton. L'air légèrement plus rafraîchi qu'en pleine journée était une véritable aubaine. Ainsi, après un bon repas, ils avaient passé la soirée sur des chaises longues à traquer les étoiles filantes. Aras n'avait pas une assez bonne vue pour les distinguer. Alors quand Rosa s'était aperçue qu'il la roulait dans la farine lorsqu'il affirmait en voir trois fois plus qu'elle, la jeune femme fidèle à elle-même n'avait pas manqué de se venger par quelques réparties bien placées au milieu d'éclats de rire !
- Je vais me coucher, annonça finalement Aras vers minuit. Est-ce que tu viens ?
- Non, je crois que je vais rester encore un peu. On a pas l'occasion tous les jours d'observer un ciel aussi beau, soupira-t-elle.
Aras fronça les sourcils, sachant mieux que personne que la nuit n'était pas le moment le plus facile à vivre pour elle. Et puis il pensait au spectacle de la veille et son étrange attitude en voyant cette fameuse danseuse, et au cauchemar ce matin même... Mais il ne voulait pas non plus la couver, au risque de la voir se braquer.
- Tu m'appelles si tu fais une insomnie ou que ça ne va pas ?
Elle hocha la tête avec un petit sourire.
- Oui, ne t'inquiète pas.
Rosa ne l'appellerait pas si ça n'allait pas. Si elle ne le savait pas, Aras pouvait aisément s'en douter. Il le lisait sur son visage. Une fois parti, la jeune femme se leva et alla s'accouder à la balustrade du ponton.
Dès qu'Aras n'était plus à ses côtés, le monde perdait de ses couleurs et elle n'avait déjà plus envie d'observer les étoiles filantes. L'attachement qu'elle éprouvait chaque jour davantage l'effrayait. Après tout, ce désir d'indépendance totale avait toujours fait partie d'elle. Aras en était lui aussi plus que conscient.
Aujourd'hui, elle avait été heureuse grâce à lui. Uniquement grâce à lui. Qu'adviendrait-il d'elle s'il devait ne plus être un jour à ses côtés ? Elle voulait être heureuse avec lui, mais aussi sans lui. Était-ce un crime de le vouloir alors qu'il faisait tant pour elle ? Et lui, était-il possible qu'il veuille qu'elle soit heureuse uniquement en sa présence ? Non, elle ne le pensait pas.

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Effervescence
RomanceCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...