Chapitre 29

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Le médecin se tourna vers Aras dès qu'ils furent seuls dans son bureau. L'homme avait déjà une bonne idée de ce qu'il allait lui dire.

-Elle est très maigre, asséna le médecin.

-Elle est anorexique et a déjà gâché cinq ans de sa vie dans un centre spécialisé. Je peux vous assurer que je fais le nécessaire pour qu'elle n'y retourne pas, dit Aras d'une voix dure.

Bon sang, pourquoi sa maigreur était-elle toujours la première chose qu'on lui remarquait !? Plus le temps passait, et plus l'homme avait l'impression qu'on la caractérisait uniquement par ce fléau qui la dévorait. Bien sûr que sa maladie devait être prise en compte. Évidemment qu'il la surveillait constamment. Mais Rosa était avant tout une jeune femme magnifique, forte, qui se battait contre le monde entier et elle-même. Et il était son seul allié pourvu qu'elle lui accorde sa confiance.

Le médecin qu'il connaissait depuis des années n'insista pas.

-Dans ce cas, je vais seulement lui prescrire de quoi s'occuper des coupures sur ses mains, un médicament pour sa fièvre, et des sédatifs.

-Des sédatifs ?

-Il va être urgent qu'elle se repose. Si elle n'y parvient pas d'elle-même pour une quelconque raison, donnez-lui deux comprimés.

-...

Aras demeurait sceptique, ne parvenant pas à juger si cela serait nécessaire ou non. Il retourna voir Rosa qui attendait dans la chambre. Il la trouva debout devant la fenêtre, à regarder fixement le paysage.

-Qu'est-ce que tu fais ! dit-il durement en la raccompagnant au lit alors qu'elle tanguait légèrement. Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans "repose-toi" !

Elle baissa les yeux, honteuse. Lorsqu'elle angoissait, elle avait besoin de bouger. Sans rechigner, elle prit alors les médicaments et le verre d'eau qu'il lui tendait.

-Comment as-tu comprit en Italie que je n'allais pas bien ? demanda-t-elle.

-Je garde mes secrets, répondit-il avec un petit sourire. La police a arrêté Colin Jaydon, annonça-t-il. Ton appartement a été fouillé, on a retrouvé plus de quarante dispositifs qui lui permettaient de te filmer chez toi.

Il l'attira contre lui en voyant qu'elle recommençait à pleurer.

-C'est fini, murmura-t-il. Tu ne le reverras plus jamais.

~~~

Plusieurs jours avaient passé. Le procès se déroulerait bientôt et ils étaient sûrs d'être gagnants.

Chez Colin Jaydon, on avait retrouvé plus de cent heures de vidéo. Celles qui intéressaient les enquêteurs étaient celles où Colin interagissait avec la jeune femme. Et ils en avaient trouvé d'autres... Ignorant ce qu'ils devaient en faire, on les avait remises à Aras. C'était les moments où la jeune femme souffrait d'insomnie et faisait des crises sanglantes. Cette semaine avait été un véritable enfer.

L'homme espérait que tout irait mieux à présent.

La jeune femme dormait déjà depuis deux jours d'affilée et il n'avait pas voulu la réveiller.

Rosa était morose depuis son réveil. La culpabilité la rongeait. Le visage d'Anys s'affichait constamment dans sa tête. Elle avait été horrible avec son amie. Mais comment s'excuser ? Elle ignorait ce qu'il fallait faire dans cette situation. En se retrouvant face à elle, elle craignait de perdre à nouveau le contrôle.

L'homme entra dans la pièce et sourit en constatant qu'elle était enfin réveillée. Sans un mot, il s'assit sur le lit et toucha sa joue. Plus de fièvre.

-Comment te sens-tu ?

-Plutôt bien, murmura-t-elle timidement.

Il changea les bandages de ses mains. Elle ne s'était pas épargné en brisant ce miroir, remarqua-t-il inquiet. Pourquoi faisait-elle si peu attention à elle ?

Rosa émit un petit mouvement maladroit, lui faisant prendre conscience qu'il tenait ses mains soignées plus de temps que nécessaire.

-Rejoins-moi à la cuisine, ordonna-t-il finalement en déposant un baiser sur son front.

Désormais reposée, il fallait qu'elle reprenne de bonnes habitudes et surtout remplir son estomac. Aucun sourire n'avait encore été esquissé. Elle se renfermait. Visiblement, quelque chose la tracassait encore et il espérait qu'elle se confierait à lui durant la longue, trèèès longue explication qu'il comptait bien avoir avec elle.

Un quart d'heure plus tard, elle le rejoignit au rez-de-chaussée. Elle pâlit brusquement. L'odeur avait précédé la vision mais elle ne s'attendait pas malgré tout à un mauvais coup pareil.

-Non ! Vous ne pourrez pas me forcer à manger tout ça ! S'écria-a-t-elle en faisant demi-tour.

Il la retint par le bras.

-Et moi je crois que tu n'as pas le choix après toutes les entorses au contrat. Tu n'a cessé de me mentir ou de me cacher la vérité. Tu as dupé mon frère pour lui faire croire que tu mangeais, tu as pris un second travail sans me prévenir.

-Vous étiez absent, objecta-t-elle doucement en sachant pertinemment qu'elle avait tort.

-Durant une semaine, oui. Et je le regrette amèrement. Sois honnête, ça faisait combien de temps que ton prioritaire te harcelait ?

-Un mois...

-Donc j'étais là. Pourquoi ne pas m'avoir mis au courant ? J'aurais pu régler ce problème plus tôt.

Rosa se braqua. C'était trop dur à expliquer. Une nouvelle fois, ses questions lui semblaient trop intrusives.

-Lâchez-moi... supplia-t-elle.

-Arrête ça, Rosa, dit-il sévèrement. Calme-toi et explique-moi. Je veux juste comprendre, asséna-t-il plus doucement.

-Je... Je ne sais pas... se mit-elle à pleurer.

Il l'attira à lui et la serra en caressant ses cheveux.

-Tu le sais, murmura-t-il à son oreille. Prend juste ton temps pour formuler. Tu sais que jamais je ne me mettrais en colère contre toi.

À cet instant précis, Rosa se demandait comment un homme tel que lui pouvait vouloir rester à ses côtés. Il était tellement rassurant et compréhensif... À lui seul, il représentait la lumière qu'elle n'avait encore connue.

-Je pensais m'en sortir seule. Je voulais garder mon indépendance et ça me faisait peur de devoir dépendre d'autres personnes. Et puis à ce moment-là, je n'avais pas encore totalement...

-... Confiance en moi ? acheva-t-il.







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