-Je n'arrive toujours pas à croire que tu l'ais embauchée après qu'elle t'ait traitée de pervers. Elle n'est pas bien loin de la vérité mais tout de même, déclara Aspen en entrant dans le bureau de son frère sans frapper.
Aras ne leva même pas les yeux vers lui, concentré sur son travail. Il avait beau avoir l'habitude de l'attitude nonchalante de son frère, celui-ci le poussait souvent à bout. Mieux valait donc commencer par garder son calme.
-Et toi, tu as encore profité de ton bureau à côté du mien pour écouter mes conversations.
-Il faut bien profiter du fait d'avoir un frère chef d'entreprise, ricana-t-il en mordant la pomme qui trônait sur le bureau d'Aras il y a encore une minute. Sérieusement, pourquoi l'as-tu embauchée ? Je croyais que tu n'aimais pas les petites filles.
-Au risque de te décevoir, je ne me tape pas mes collaboratrices.
-Alors je réitère ma demande : pourquoi l'as-tu embauchée ? s'exclama-t-il en sautant du bureau de son frère.
-Elle m'a défiée. Si elle veut jouer, alors on va jouer... souffla Aras, les yeux plus noirs que jamais et un sourire froid aux lèvres.
Aspen fixa avec intérêt son frère plusieurs secondes.
-J'ai peur de ce qui va se passer, lâcha-t-il en jetant le trognon de pomme dans la corbeille à papier.
Enfin, Aras leva les yeux sur lui.
-Tu as raison d'être effrayé car je ne la lâcherai pas avant de connaître la raison de ses mensonges.
Aspen lâcha un petit ricanement avant d'ouvrir la porte du bureau. Au dernier moment, il se retourna vers Aras.
-Je n'ai pas peur pour elle mais pour toi. Je prédis qu'elle va t'en faire baver plus que tu ne le crois, dit-il avec son habituel et irritant sourire de plaisantin.
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Rosa entra dans la chambre qu'elle venait de louer, terriblement lasse. La propriétaire de l'immeuble venait de lui remettre les clés du minuscule appartement sous les toits. C'était une vieille dame octogénaire, au sourire doux. Bavarde, elle lui avait raconté sa vie pendant vingt minutes. Apparemment, elle avait toujours vécu dans ce quartier mais depuis la mort de son mari aspirait à un nouveau rêve : partir à la campagne, ce que son fils lui conseillait visiblement. Cela faisait longtemps que Rosa n'avait pas participé à une conversation polie et agréable. La propriétaire ne lui avait posé aucune question personnelle.
L'appartement se constituait en réalité d'une unique pièce assez miteuse. Non meublé, la propriétaire Anne lui avait proposée un vieux matelas dont elle ne se servait plus, le temps que Rosa achète tout le matériel de maison nécessaire. La jeune femme savait qu'elle n'en ferait rien, du moins pas avant longtemps. Elle n'avait pas les moyens financiers de s'acheter des meubles, seulement de payer le loyer. Pour l'instant, son matelas et ses quelques vêtements qu'elle possédait en arrivant constituaient tous ses biens. Les murs étaient fissurés et un carreau de la fenêtre était cassé, laissant entrer le froid. La propriétaire l'avait avertie concernant les rénovations à faire.
Elle n'avait pas de gazinière mais cela ne la dérangeait pas particulièrement. Son appétit restait léger voire inexistant. Elle avait fait beaucoup d'efforts pour sortir de ce centre psychiatrique mais à présent, rien ni personne ne l'obligeait à se nourrir. Et elle ignorait si cela devait si cela devait la réjouir ou l'inquiéter. Sa lutte contre sa maladie serait d'autant plus difficile et elle se sentait fragile. Se complaire dans sa maladie, comme on le lui avait déjà dit auparavant, n'était pas une solution et elle le savait. Mais dans l'immédiat, elle n'avait pas le choix. Tant qu'elle n'aurait pas son premier salaire dans un mois, ses dépenses devront être minimales.
Durant tout l'après-midi, elle s'était évertuée à nettoyer au maximum sa chambre, frottant et enlevant la poussière qui s'était déposée depuis longtemps. Par chance, l'unique ampoule qui pendait à un fil n'était pas fêlée. Avec une planche de bois donnée par Anne, elle répara le carreau de fenêtre cassé. Mais cela n'avait plus d'importance. Elle passerait la plupart de son temps dans les locaux luxueux et immaculés de la Williams Entreprise. Drôle d'ironie. Enfin, elle s'affala sur le lit, vidée de toute énergie.
Les yeux noirs de son employeur lui revinrent en mémoire et elle frissonna. Au fond d'elle, elle espérait ne pas le croiser trop souvent. Son cœur ne le supporterait pas. La jeune femme savait qu'il tenterait encore de creuser son passé, faisant remonter des démons dont elle se passerait bien.
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Le lendemain, elle entra dans les locaux de l'entreprise aussi intimidée que la veille. Elle n'arrivait toujours pas à croire qu'elle avait été embauchée dans une aussi grande et belle entreprise sans diplôme. Elle pénétra dans le hall. Où devait-elle aller ? Mais elle n'eut pas le temps de prendre une décision qu'une haute silhouette qu'elle reconnut sans peine l'approcha.
-Mademoiselle Hatier, avez-vous bien dormi ? demanda l'homme d'une voix aussi dure que la veille.
Il l'observa attentivement. Ses cernes n'avaient pas diminuées. Comme la veille, ses cheveux étaient tressés dans son dos. Elle portait la même chemise trop large que la veille avec le même jean. Une fois de plus, il fut absorbé par sa beauté naturelle. Elle baissa les yeux vers le sol, se sentant toute petite et humiliée devant lui. Il lui redressa le menton d'un geste brusque, ignorant l'effet dévastateur que ce genre de contact avait sur elle.
-Sachez que je ne supporte pas qu'on baisse le regard. Question de politesse.
Rosa sentit son cœur s'emballer. Ce contact lui était insupportable, faisant remonter de douloureux souvenir. Au centre, elle ne laissait personne la toucher, sous peine de se débattre violemment. Instinctivement, la jeune femme le repoussa de toutes ses forces, le faisant pourtant à peine reculer d'un pas.
-Ne me touchez pas ! hurla-t-elle en attirant le regard de toutes les personnes du hall. Qui vous a permis de me toucher !?
Aras fronça les sourcils, étonné de sa réaction virulente. Il avait vu plusieurs émotions traverser son visage fin. La surprise puis son visage s'était tordu d'une expression de douleur, comme si une vague d'horreur l'avait submergée. Aucun doute que cette peur n'était nullement naturelle. Puis son expression était devenue froide, insensible. Et c'est sans trembler qu'elle avait levé son regard gris sur lui. En temps normal, il aurait formellement réprimandé quiconque lui aurait parlé de cette manière. Mais un pressentiment lui disait que c'était davantage une façon de se protéger qu'une personne agissant dans l'unique optique de lui tenir tête.
Soudain, comme si elle prenait conscience de ses agissements, elle rabaissa le regard, l'air perturbé. En prenant garde à ne pas répondre à ce réflexe qui lui disait de poser sa main sur son bras maigre en signe de réconfort, il lui fit signe de le suivre.
-Allons dans mon bureau, dit-il.
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Effervescence
Storie d'amoreCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...