Rosa entendit la porte du bureau se refermer derrière son dos. L'homme n'avait pas dit un seul mot, se contentant de marcher devant elle. La jeune femme était terriblement anxieuse et honteuse. Était-il possible qu'il la vire pour ce qui venait de se passer sans même qu'elle n'ait commencé à travailler ? Aucune émotion sur son visage ne lui permettait d'appréhender la suite. Il lui fit signe de s'asseoir tandis qu'il prenait place de l'autre côté du bureau comme la veille. Il sortit une liasse de papiers qu'il posa devant elle. Elle le regarda, surprise.
-Votre contrat de travail. Signez-le, je vous prie, dit-il d'un ton neutre.
Désarçonnée une fois de plus, elle prit le crayon qu'il lui tendait sans protester et signa d'une main tremblante. Il récupéra les papiers, vérifiant que tout était en ordre, avant que son visage ne se fende d'un très léger sourire.
-Mademoiselle Hatier, vous êtes officiellement employée dans mon entreprise. A présent suivez-moi, je vais vous expliquer en quoi consiste votre travail.
Il la conduisit à travers un dédale de couloirs. Rosa se retint de pousser des cris d'admiration devant la modernité et le luxe des lieux. Du coin de l'œil, Aras l'observait. La jeune femme semblait tout ignorer de l'endroit où elle allait travailler désormais. Sa démarche était gracieuse malgré sa carrure si frêle. Tandis qu'on entendait son pas lourd, les siens étaient si silencieux qu'il crut à plusieurs reprises l'avoir perdue dans l'immense bâtiment. Il arrivèrent à un bureau plus petit dont les murs étaient en baie vitrée. Un ordinateur portable l'attendait sur la table, ainsi que tout un nécessaire à papeterie.
-Ce aile de l'entreprise, qui compte parmi les quinze autres dans la ville, a pour fonction de publier des livres et des essais ayant pour sujet l'économie et les sciences. Une maison d'édition en quelque sorte, expliqua-t-il. Votre tâche consistera essentiellement à répertorier les ouvrages publiés. Vous coordonnerez également des événements lorsque je vous en parlerai. Tout est clair ?
Elle acquiesça après avoir écouté attentivement. Hors de question de faire des erreurs.
-Mais pour les prochaines semaines, votre travail ne sera pas celui que je viens d'énumérer.
Rosa fronça les sourcils. Il l'emmena à une autre pièce dont le sol était couvert d'ouvrages en tout genre et dont les murs étaient couverts d'étagères.
-Les bâtiments sont neufs et nous n'avons pas encore eu le temps de tout aménager. Je souhaiterais donc que vous classiez tous les ouvrages selon les sujets, les auteurs et les dates de publications. En êtes-vous capable, Mademoiselle Hatier ?
La jeune femme se crispa quand il prononça explicitement son nom. Elle se sentait terriblement intimidée sous son regard noir. Il émanait de lui une telle autorité qu'elle était pétrifiée.
-Euh... Je... Oui, je le ferai. Ai-je un temps limité pour ce travail ?
-Non, prenez tout le temps nécessaire. Je tiens à ce que tout soit parfait.
Il s'apprêtait à tourner les talons quand il s'interrompit brusquement.
-Encore une chose. Je suis désolé de vous avoir effrayée à votre arrivée. Mon comportement était déplacé.
Rosa, d'abord surprise, leva les yeux vers lui. Il était vraiment en train de s'excuser ! C'était une sensation étrange. Pourtant, tout était de sa faute. Au centre psychiatrique, on lui demandait à elle de s'excuser et jamais aux autres. Un haut-le-cœur l'étreint en pensant à toutes les horreurs qu'elle avait pu énoncer. Quelle honte... Elle passait ses nuits à pleurer de culpabilité. Ses parents avaient parfaitement raison en disant qu'elle méritait tout ce qui lui arrivait. Et pourtant, Aras Williams semblait sincère. Perturbée, elle hocha seulement la tête, attendant de pouvoir s'éclipser loin de cet homme qui l'effrayait.
Voyant que sa présence la gênait, Aras décida de mettre fin à son supplice.
-Je vais me retirer. Si vous avez besoin de quoique ce soit, vous savez où est mon bureau.
En temps normal, il n'aurait jamais proposé une telle chose à une employée si basse dans la hiérarchie. Il passait son temps en réunion, avec son bras droit qui n'était autre que son frère, à diriger les opérations menées à l'étranger. De même, le bureau de ce bâtiment n'était que provisoire, le temps de mettre sur pied sa nouvelle maison d'édition. Après, il retournerait au siège de son entreprise et ne reviendrait ici que rarement. Mais il était décidé à surveiller de près cette jeune personne qui l'intriguait. Il attendit quelques instants à fixer ses grands yeux gris, au cas où elle aurait une demande quelconque. Mais comme d'habitude, elle garda le silence. Alors il tourna les talons en se faisant la promesse de repasser dès que sa charge de travail serait moins grande.
Rosa se retrouva seule dans la bibliothèque, fixant la porte par laquelle venait de disparaître l'homme imposant. Puis elle se retourna vers le désordre de la pièce. Comme l'avait dit son patron, ce rangement lui prendrait plusieurs semaines. Motivée, elle s'avança vers la première pile de livres, première de la centaine qui l'attendait encore.
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Une semaine était passée depuis qu'elle était employée à la Williams Entreprise. Rosa passait ses journées à travailler seule dans la bibliothèque et cela lui convenait parfaitement. Si placer les ouvrages sur l'étagère n'était pas si compliqué à accomplir, le classement s'était révélé beaucoup plus laborieux. Rien n'était en ordre. Par chance, elle avait toujours fait preuve de patience. Son appartement miteux ne s'était pas révélé être trop contraignant : elle arrivait tôt le matin et partait vers vingt-deux heures le soir. Jamais elle n'avait recroisé son patron, à son grand soulagement.
La nuit était tombée depuis plusieurs heures à présent. Elle entendait le reste du personnel qui quittait les locaux bruyamment. La fatigue commençait à se faire ressentir mais elle voulait retarder au maximum le retour dans sa chambre froide. Elle se percha sur la chaise pour parvenir à poser un livre sur l'étagère la plus haute.
-Que faite-vous encore ici à cette heure, Mademoiselle Hatier ?
Cette voix qui ne lui avait pas manquée la fit violemment sursauter, à tel point que son pied glissa de la chaise. Elle s'attendait à sentir son dos s'écraser lourdement au sol quand deux bras forts la retinrent. Mais elle n'eut pas le temps de réagir qu'il la remit sur ses pieds et s'éloigna tout aussi rapidement.
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Effervescence
RomansCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...