Chapitre 33

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Le docteur Perret lui demanda d'abord de se mettre en sous-vêtements pour la peser. Rosa se réfugia quelques secondes derrière le paravent prévu à cet effet. Ses mains tremblaient tellement qu'elle crut ne jamais parvenir à défaire les boutons de son jean. L'enjeu était double. D'une part, c'était le grand verdict. L'acharnement de son patron avait-il payé ? Il y a deux semaines, elle aurait pensé que c'était gagné sans même monter sur la balance, mais après sa rechute dont elle se remettait à peine... Elle se sentait terriblement gênée d'être quasi-nue devant deux hommes. Le médecin avait l'habitude et elle aussi. Les examens médicaux, elle avait dû en passer une bonne soixantaine en cinq ans. Mais Aras... C'était différent, surtout quand elle se rappelait ses doux baisers. Il n'avait jamais caché s'être épris d'elle.

Quand elle apparut, Aras coupa sa respiration. La jeune femme avait les mains crispées sur sa poitrine et, les joues rouges, fixait le sol. Elle était manifestement au comble du mal-aise. Mais l'homme avait davantage de mal à se concentrer sur les paroles du médecin qui posait quelques questions que sur son corps. Elle arborait une peau très pâle et même si on voyait ses côtes ressortir, il apparaissait distinctement qu'elle avait repris un peu de poids. Des tâches de rousseur couvraient le haut de ses épaules découvertes. Comme il aurait aimé effleurer cette peau, la découvrir toute entière. Mais il n'avait pas le droit. Pas pour l'instant.

En voyant Rosa si gênée, le docteur proposa de faire sortir Aras. Pourtant et à sa grande surprise, elle secoua la tête vivement, assurant que ça irait. Le médecin ne savait plus quoi penser. Elle avait tellement changé en l'espace de trois mois...

Il prit d'abord sa tension, écouta sa respiration, prenant des notes au fur et à mesure. Il observa sa colonne vertébrale et enchaîna sur une série de questions. Était-elle essoufflée ou fatiguée rapidement ? Dormait-elle bien ? Ou en était son cycle menstruel ? En effet, les règles disparaissent en cas de poids insuffisant. Mais Rosa avait eu la "joie" de constater leur réapparition il y a quelques semaines, signe qu'elle approchait de la guérison.

Enfin, il étudia ses poignets. Connaissant son dossier, il savait pour ses crises autodestructrices. Il jeta un œil vers Aras qui n'avait rien dit depuis qu'ils étaient entrés dans le bureau. Celui-ci n'avait jamais semblé surpris de ce qu'il pouvait entendre durant l'examen, comme s'il était au courant de toute la situation de la femme. Il arborait d'ailleurs un regard sombre teinté de tristesse en observant Rosa et sa maigreur.

-Les marques sur tes poignets semblent récentes. Est-ce que tu fais souvent des crises comme ça ? questionna le médecin.

-Je... Euh... Je fais des efforts, marmonna Rosa, sachant que les cicatrices allaient jouer en sa défaveur.

Le médecin haussa un sourcil et retourna s'asseoir derrière son bureau en indiquant à Rosa qu'elle pouvait se rhabiller. Aras n'avait pas bougé de sa chaise. Pendant que la jeune femme ressemblait ses affaires, il observait le médecin remplir des formulaires, des compte-rendus. Tous ces examens médicaux semblaient très cadrés, ce qui était rassurant en un sens. Romain Perret, lisait-il sur sa blouse blanche. Depuis combien de temps suivait-il Rosa ? Connaissait-il tout son passé ? Mais si ces questions le tiraillaient, il résista à demander des informations. Déjà qu'il était dans ce bureau un peu comme un intrus...

Rosa les rejoint, prête à entendre le verdict du médecin qui comptait tant à ses yeux. Enfin, ce dernier releva la tête de son dossier et sourit.

-Tu as largement atteint tes objectifs, Rosa. Tu ne devais prendre que quatre kilos, tu en as repris cinq. Les analyses de sang sont bonnes, plus de carences. Tu peux être fière de toi, les progrès sont là.

La jeune femme se redressa attentive, partagée en une foule d'émotions contraires. Elle devrait être heureuse. Mais elle ne l'était pas autant qu'on l'aurait imaginé. Aras esquissa quant à lui un premier léger sourire.

-Est-ce que ça signifie qu'elle n'aura pas à être réhospitalisée ?

-Non, ça n'est plus nécessaire, répondit Romain en remplissant des cases sur un formulaire. Tu es autorisée à reprendre le sport, notamment la danse si tu le souhaites. Avant de te laisser partir, se tourna-t-il vers Rosa, quelques dernières choses. As-tu revu tes parents ?

Rosa avala difficilement sa salive.

-Oui...

-Ont-ils mentionné quelque chose à propos de Sébastien ?

-La rencontre était fortuite et ne s'est pas bien passée, marmonna Rosa, se remémorant cette désastreuse réception qui avait abouti sur ce fameux accord avec son patron. On a pas vraiment parlé, et surtout pas à propos de Sébastien.

Prononcer ce nom écorchait sa bouche.

-D'accord, je vois... Dans ce cas, je dois te mettre au courant.

Le médecin se redressa, cherchant ses mots pour que la chose soit la moins choquante possible.

-Tu sais qu'il a écopé une peine de prison de sept ans.

Rosa hocha la tête, peinant à comprendre où il voulait en venir. Quel était le rapport ?

-Sébastien... s'est suicidé. On l'a retrouvé mort dans sa cellule il y a trois semaines.

Le coeur de Rosa fit un soubresaut, figée. Romain attendit quelques secondes, le temps qu'elle intègre l'information. Il craignait une réaction violente. Mais non. Elle resta longtemps le regard dans le vague. Face à la mort de son ancien bourreau, elle réagissait à peine. Soudain, elle redressa la tête, inexpressive.

-Et ?

Le silence plana quelques secondes dans la pièce. Sa voix avait été glaciale. Romain reprit une longue respiration.

-Et rien. Il me semblait important que tu le saches. Si tu souhaites en parler...

-Non. Est-ce que je peux partir ?

-Oui, on reprend rendez-vous dans six mois pour le suivi. En cas de problème, tu peux appeler sur mon portable professionnel.

Elle hocha la tête avant de sortir rapidement de la pièce, sous le regard médusé d'Aras qui n'avait strictement rien compris à la discussion entre Rosa et son médecin. Qui était Sébastien ? Quel rapport avec ses parents ? Et quel réaction étrange en apprenant son suicide... Il allait suivre Rosa hors du cabinet quand Romain l'interpella.

-J'aimerais vous dire quelques mots avant que vous n'alliez la retrouver.

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant