Vivre avec lui ? Rosa ne fit sur le coup aucune objection. Son cerveau trop fatigué s'était déconnecté à l'instant où l'homme était apparu. Elle ne comprenait pas encore tout ce que ça impliquait. Le trajet se déroula en silence. Rosa luttait pour ne pas s'endormir, utilisait ses dernières forces pour rester maîtresse d'elle-même jusqu'au bout. Aras, qui ne cessait de lui jeter des regards en coin, la rassura :
-Tu peux dormir, je te réveillerai quand on arrivera. Baisse les armes, Rosa.
Son ton chaud et apaisant suffirent à la convaincre qu'elle pouvait se laisser aller et la jeune femme sombra dans un profond sommeil.
L'homme d'affaire avait terriblement mal en la voyant dans ce pitoyable état. C'était de sa faute, il aurait dû voir qu'il se passait quelque chose. Rosa était responsable car elle n'avait rien dit, mais lui avait sous-estimé sa souffrance et sa fragilité. Arrivés chez lui, il l'observa un moment. Au moins, son visage s'apaisait quand elle dormait. Les petits plis d'anxiété sur son front disparaissaient. Ses lèvres rosées et charnues entrouvertes l'appelaient presque à y déposer les siennes. Si belle, si désirable. Si détruite... Ne désirant pas la réveiller tout de suite, il la porta jusqu'à sa chambre et la déposa sur son lit. Une belle princesse endormie.
Il faudrait pourtant bien qu'ils aient une conversation. Aras devait comprendre ce qui l'avait faite dérailler. Et après, il la remettrait sur pieds. Ils allaient repartir à zéro avec, il l'espérait, une confiance plus solide comme socle.
Une larme coula sur son doux visage et Aras s'empressa de l'essuyer. Son cœur se serra en voyant qu'elle allait si mal. Même l'inconscient de ses rêves cherchait à le lui dire. Le contact éveilla Rosa. Elle planta ses grands yeux gris dans les siens, comme si elle attendait qu'il lui dise ce qu'il allait se passer. Comme si elle se remettait à lui.
-Comment tu te sens ?
-Mal, dit-elle alors que ses yeux se remplissaient à nouveau d'eau. Je suis fatiguée, j'ai mal à la tête.
Il lui caressa la tête tendrement.
-Tu as de la fièvre. Je vais te donner des médicaments et tu vas dormir. On ira chercher tes affaires chez toi demain.
-Non ! dit-elle précipitemment en se relevant, ce qui alarma l'homme. Je ne peux pas y aller !
Il fronça les sourcils sans comprendre.
-Explique-toi. Qu'est-ce qui s'est passé cette semaine ? Est-ce que ça a un rapport avec le fait que tu ais pris un deuxième travail ?
Rosa se recroquevilla sur le lit. Elle n'osait pas le dire. Comment lui dire que son propriétaire lui faisait du chantage, la harcelait ? Comment lui dire qu'elle ne dormait plus la nuit à cause d'une impression sans fondement ? Dès les premiers mots, il la presserait pour savoir toute l'histoire, même les côtés les plus honteux comme les textos suggestifs de Collin ou sa dispute avec Anys.
-Rosa, dit-il sur un ton d'avertissement. Il faudra bien que tu m'en parles. Je ne te laisse pas le choix.
La jeune femme sentait la colère monter. L'horrible impression qu'il envahissait son espace personnel l'étouffait. Il posa ses mains sur ses poings serrés à tel point que ses ongles rentraient dans sa peau. Comment faisait-il pour voir absolument tout ? s'agaçait-elle. A chaque fois, il s'engouffrait dans ses failles.
Voyant qu'elle fermait les yeux fortement et que sa respiration s'accélérait, il se pencha à son oreille.
-Garde le contrôle...
Ça fonctionna. Grâce à ce simple conseil, Rosa se cala sur la respiration lente de l'homme et rouvrit les yeux quelques secondes plus tard.
-C'est bien... la félicita-t-il. Tu peux m'en parler, maintenant ? Fais-moi confiance, pour une fois.
Elle soupira, comprenant qu'elle était dans une impasse et qu'elle aurait besoin de son aide.
-C'est mon propriétaire. Colin Jaydon. Il a reprit l'immeuble de sa grand-mère il y a plusieurs semaines. Il a augmenté le loyer un peu avant que vous partiez pour l'Italie.
-Et c'est pour gagner de l'argent que tu as pris ce travail de serveuse de nuit au détriment de ton sommeil, conclue Aras. Et pourquoi tu ne veux plus rentrer chez toi ?
-...
-Rosa..., l'avertit-il.
-Mon appartement m'angoisse. J'ai entendu des bruits étranges et depuis je me sens oppressée, se crispa-t-elle à ce souvenir. Mais c'est peut-être simplement le fruit de mon imagination...
Aras fronça les sourcils. Le loyer trop cher était une chose, ceci en était un autre plus difficile à régler. Il irait le lendemain avec son garde du corps. Un petit froncement de sourcils de la part de la jeune femme lui fit comprendre qu'elle lui cachait encore quelque chose.
-Tu n'as plus rien à me dire ?
A ces mots, elle éclata en sanglots, comme si elle n'attendait que ça. Plus elle avançait dans ses révélations, plus il était difficile de lui tirer les vers du nez. Et d'expérience, il savait que le plus douloureux venait toujours en dernier. Ne supportant pas de la voir pleurer ainsi, il la tira sur ses genoux et la serra fortement.
Elle se laissa faire et se blottit même contre lui. Son parfum l'apaisait et en même temps suscitait une terrible nostalgie. Toute la tristesse sortait d'un coup et elle attrapa le tissu de la chemise de l'homme, comme si elle avait besoin de se raccrocher à lui pour ne pas perdre de vue la réalité.
Aras ne cessait de la bercer, décontenancé par sa soudaine crise de larmes alors qu'elle avait toujours fait attention à ne pas trop se laisser aller devant lui. Quand enfin elle s'apaisa, elle s'extirpa de sa douce étreinte pour aller chercher son sac posé à côté du lit. Elle lui tendit son portable, lui indiquant seulement de lire des messages.
Il comprit immédiatement le véritable calvaire que Rosa avait subi. La jeune femme observa son expression se tordre de colère, légèrement craintive même s'il se montrait doux avec elle la plupart du temps.
-Qui ? gronda-t-il. Qui t'a envoyé ça ? Colin Jaydon ?
Il saisit les épaules de la jeune femme, la secouant légèrement.
-Qu'a-t-il fait d'autre ? Il t'a touchée ?
-Hormis des allusions comme celles que vous avez pu lire, il n'a rien fait. Mais il m'a invitée à dîner chez lui demain soir.
-Vous avez refusé, j'espère !
-Non... sanglota-t-elle de plus belle. C'était ça ou l'expulsion.

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Effervescence
RomanceCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...