Chapitre 36

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Bonjour ! Comment allez-vous ? Je m'excuse pour ce retard. Je vais tenter d'écrire un peu plus durant ce confinement. Gardez le moral. Prenez soin de vous et de votre famille. Bonne lecture et à bientôt !


- Es-tu sûre d'être objective par rapport à ce que tu me dis ? demanda Aras douloureusement. 

L'homme avait l'impression que la vérité était tellement plus complexe. Aujourd'hui, il connaissait une Rosa fragile qui se débattait pour sortir d'épreuves dont il ne savait encore rien. Certes, elle pouvait se montrer très agressive. Mais il y avait toujours une raison derrière. Au fond, ses terribles colères n'étaient qu'un moyen de se protéger. D'un autre côté, il était désormais évident qu'elle avait dû dépasser des limites dans le passé. Elle venait de le lui affirmer, et son médecin l'avait insinué en disant qu'elle cherchait à s'en sortir mais pas de la meilleure des façons. Qu'avait-elle bien pu faire pour s'attirer les foudres de ce psychiatre qui, même s'ils ne s'appréciaient pas mutuellement, lui avait paru tout à fait professionnel ? Peut-être refusait-il même d'imaginer Rosa commettre des atrocités.

- C'est trop dur, Aras, murmura-t-elle. J'ai l'impression de te mentir à longueur de temps en te le cachant.

- Alors explique-moi, l'encouragea-t-il doucement.

Elle prit plusieurs grandes inspirations avant de commencer.

- Un peu avant d'être internée à l'hôpital et durant ces cinq ans, ma réputation n'était pas glorieuse. On... disait de moi que j'étais une prostituée.

- Mais c'était faux ?

- C'était vrai, souffla-t-elle. Je l'ai été durant l'année avant mon internement. J'avais besoin d'argent, mes parents venaient de me couper les vivres. Mes clients me payaient cher. Et j'y prenais du plaisir. A cette époque, je plongeais dans l'anorexie et plus les hommes me regardaient, plus je retrouvais un semblant d'estime pour moi-même. Sans leur regard, je n'étais rien...

Elle s'interrompit quelques secondes, attendant une réaction de sa part qui ne venait pas. Et s'il décidait de l'abandonner après ces révélations ? L'idée la terrifiait. Mais elle l'aurait bien cherché. 

- Dis quelque chose ! insista-t-elle désespérément alors que son expression ne laissait rien percevoir.

- Continue, asséna-t-il au bout de plusieurs instants.

Ce mot fut comme un coup de poignard. Le doute s'insinuait de plus en plus dans son esprit. Et si ça avait été vraiment une erreur de lui en parler ? Maintenant qu'elle avait commencé, autant aller jusqu'au bout.

- En plus d'être une aguicheuse, j'étais une manipulatrice. Durant les années en psychiatrie, j'avais pour ainsi dire ma petite cour. Je menais les autres patients à la baguette, prenant pour cible tout ceux qui ne me suivaient pas : je leur crachais des horreurs axées sur leur maladie, allant jusqu'à les menacer physiquement. J'étais un monstre, cracha-t-elle dégoûtée d'elle-même. 

Plus elle continuait, plus sa haine envers elle-même grandissait. Jamais il lui semblait avoir autant mérité les douleurs physiques qu'elle s'infligeait. Elle avait attrapé ses cheveux et tirait sur les mèches brunes. Mais même s'arracher le cuir chevelu ne rendrait pas leur santé mentale aux patients qui avaient subi ses foudres. La culpabilité était amère, brûlante. Dieu qu'elle regrettait...  

Aras, toujours silencieux et attentif, bloqua ses petites mains agitées dans les siennes. 

- L'arrivée du docteur Perret a tout changé, murmura-t-elle, les yeux vides et plongée dans les souvenirs. Il avait d'autres méthodes pour traiter les patients, plus personnalisées, plus douces et moins axées sur l'administration de médicaments. Pourtant, il n'arrivait à rien avec moi. Même celle que personne n'arrivait à approcher a fait plus de progrès en quelques mois que moi en quatre ans. Ambre... Je lui en ai fait baver à elle aussi. On est arrivée à peu près en même temps au centre. A son arrivée, les soignants lui avaient passé une camisole de force. Elle se débattait et hurlait de ne pas la toucher. Elle avait une aura, cette fille. Elle inspirait la sagesse, l'intelligence. Si belle, aussi douce et solaire que l'aube... Même dans cet état, j'avais l'impression qu'elle avait eu tout ce que je n'avais pas. Le docteur Perret l'a mise sous sa protection. Durant un voyage qu'il avait organisé, je suis allée trop loin avec elle. Elle s'est sauvée de la villa où nous logions, et le docteur m'a donnée ma plus belle leçon de vie après que j'ai tenté de le séduire. 

Aras fronça les sourcils.

-Pourquoi ce souvenir te fait trembler ? Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

Un nouveau frisson parcourut la jeune femme. 

-Il m'a dit la vérité, répondit-elle simplement. La cruelle vérité que je refusais de voir. Je n'avais jamais voulu guérir. Le comportement que j'adoptais ne me permettrait jamais d'être aimée. Les hommes n'appréciaient pas mon corps maigre, mais la facilité que je leur offrais. Je me suis plantée sur toute la ligne. Le docteur Perret m'a privée de la fin du voyage et renvoyée au centre. J'ai fait une terrible rechute en plus d'une dépression. Quand les patients et lui sont rentrés, j'ai appris qu'Ambre et lui s'étaient mis ensembles. 

-Il y avait un portrait de famille posé sur le bureau de ton médecin, avec une femme, Romain Perret et un enfant. Est-ce cette Ambre dont tu me parles ? remarqua-t-il.

Ambre ne releva pas le fait qu'il avait été suffisamment observateur pour voir le petit cadre photo. Voir le visage de sa "partenaire d'hôpital" si heureux avec son bambin dans les bras l'avait fait sourire. 

-Oui, c'est elle. Je suis ravie qu'elle aille bien aujourd'hui. En revenant au centre, il est venu me voir alors que j'étais persuadée qu'il allait m'assigner un autre médecin. Il ne m'a pas abandonnée. J'avais eu le temps de réfléchir. Beaucoup. Il a repris en main ma thérapie, j'ai accepté de faire des efforts pour guérir. Et ça a marché, je suis sortie. Malgré tout, il n'a jamais accepté que je vois Ambre pour m'excuser. La suite, tu la connais.

Aras hocha la tête, pensif. Il la déposa à ses côtés sur le canapé et se leva. Mais avant qu'il ne se détache complètement d'elle, elle agrippa sa manche et leva un regard de détresse.

-Ne... Ne me laisse pas, je t'en prie...

Attendri, ses lèvres s'étirèrent en un petit sourire triste et il se rassit pour la prendre dans ses bras.

-Je ne peux pas dire que tout cela ne me fait aucun effet. Evidemment qu'il m'est perturbant d'apprendre tout... ça. Mais je sais qu'aujourd'hui tu serais incapable de faire ça. Tu as changé et le passé ne compte plus... Concentre-toi sur l'avenir. 


EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant