Hébétée, Rosa avait du mal à réfléchir. Quelque chose bloquait dans sa tête. Sa mère exerçait une espèce d'emprise sur elle et elle avait du mal à s'opposer. Pourtant, ce qu'elle crachait sur Aras ne lui plaisait absolument pas !
- Maman, tu ne m'écoutes pas...
- Chérie, c'est toi qui devrais m'écouter... Je suis ta mère, je te connais mieux que personne. Mr Williams te montre ce qu'il veut bien te faire voir aujourd'hui mais après ça sera trop tard !
- Mais...
Rosa n'avait même pas le temps de répliquer que sa mère lui coupait déjà la parole. Son discours était prêt et bien rodé. Sa mère tout craché...
- Mais c'est bien normal que tu tombes dans les filets de ce genre d'homme, tu es naïve, ma fille.
C'est faux. Elle le sait mais impossible de répliquer.
- En revanche, Mr Silbaut est un homme très bien ! Ton père l'a rencontré lors d'un dîner d'affaire. Très charmant, très attentionné. Très bel homme aussi ! continua-t-elle le sourire aux lèvres en remplaçant une mèche de cheveux de Rosa derrière l'oreille.
Quelque chose n'allait définitivement pas dans cette conversation. Elle repoussa doucement la main de sa mère, agacée par cette proximité.
- Maman, stop ! Je ne comprends rien, pourquoi tu me parles de ce Mr Silbaut ?
- Eh bien... Vous iriez bien ensemble. Comme époux.
Le coeur de Rosa s'accéléra. Ce qu'il se tramait ne lui plaisait pas du tout. Elle se leva brusquement.
- Ce type ne m'intéresse pas. Quand bien même, tu n'as pas à te mêler de ma vie amoureuse ! Vous m'avez déjà mise dans les bras de Jonathan et jamais je ne répèterai la même erreur, c'est bien compris !?
- Rosa chérie, pas la peine de monter sur tes grands chevaux. Un divorce, c'est pas la fin du monde ! Tu ne vas pas vivre comme une nonne toute ta vie !
Non mais dans quel monde vivait-elle !? Rosa n'avait pas pourtant pas rêvé à l'époque : sa mère avait bien assisté au verdict du procès de Jonathan ! Peut-être n'était-elle pas au courant de tous les détails sordides, mais elle savait au moins ce qu'il lui avait fait endurer pendant des mois et des mois ! Une vague de colère déferla dans tout son corps.
- Un divorce ? Un. SIMPLE. divorce !? Tu te fous de ma gueule, c'est pas possible d'être insensible à ce point-là ! Votre gendre idéal là, il me battait ! Tous les jours ! Tu entends ça, maman !? J'ai cru mourir sous ses coups et c'est VÔTRE faute ! Pas la mienne, la vôtre ! C'est vous qui l'avez mis sur mon chemin, le soi-disant gendre idéal !
Elle hurlait maintenant, crachant toute sa haine et son ressentiment. Jamais elle n'avait osé parler comme ça à sa mère. À vrai dire, jamais elle n'avait encore admis à quel point ses propres parents étaient responsables d'un des pires cauchemars de sa vie. Mais là, l'entendre ainsi minimiser les violences conjugales dont elle était victime avait explosé le mur en mille morceaux. Et maintenant, elle voulait la recaser avec un autre homme ? Répéter la même histoire ?
Marre de les excuser. Marre de leur permettre de ruiner sa vie. Cette fois, c'était bel et bien fini. Elle en avait assez d'espérer un peu d'amour et de respect de leur part. Désormais, elle n'aura plus de parents. Son père était tout autant responsable que sa mère, en tant que duo monstrueux parfait.
Les joues baignées de larmes, elle ramassa le sac avec ses photos d'enfance et quitta la pièce à grands pas. Médusée, sa mère la suivit dans l'escalier, étonnée de voir sa fille répliquer. Elle lui attrapa le coude mais Rosa se dégagea vivement.
- Rosa, calme-toi enfin ! On passait une bonne soirée et tu gâches tout !
- Je gâche rien du tout, tu m'entends ! Je m'en vais et c'est mon droit ! hurla-t-elle.
En bas des escaliers, c'est Mr Hatier qui tenta cette fois de la raisonner.
- Chérie, tu te donnes en spectacle là. Devant nous, devant ton patron... C'est ridicule. Un invité doit nous rejoindre pour le dessert et hors de question qu'il te voit ainsi !
Rosa se figea. Ils n'avaient pas osé pousser la manipulation jusqu'à ce point...?
- Qui ? Qui est l'invité ? souffla durement Rosa.
- Mr Silbaut, dit-il sans pouvoir retenir un sourire en coin, trépignant d'impatience à l'idée que Rosa rencontre son prétendant pour les marier au plus vite.
Comme s'il ne pensait pas que Rosa aurait le cran de quitter les lieux. Comme s'il ne doutait absolument pas de la réussite de son plan douteux. Jusqu'où l'irrespect à l'égard de sa fille pouvait-il aller...
Un sourire. Un simple sourire. C'est ce qui acheva Rosa.
- Je rêve... Je pensais que c'était impossible mais en fait, vous êtes bien capables de vous enfoncer encore plus. C'est toujours comme ça avec vous. Vous manipulez les gens avec de grands mots, vous ne savez pas agir autrement qu'en les culpabilisant ! J'ai essayé. J'ai vraiment tout fait pour avoir un peu de votre amour. Mais là je renonce...
Elle rapprocha son visage de celui de son père, le regard dénué de toute émotion autre que de la pure haine.
- Écoute-moi bien, car je ne me répèterai pas : vous. sortez. de. ma. vie. Plus jamais je ne veux vous voir, vous êtes morts à mes yeux.
Aras, qui assistait à toute la scène depuis le début, perçut la brève ombre de tristesse qui passa sur son visage. Fini le déni. Et les retombées seront lourdes. Il s'élança à sa poursuite quand elle claqua violemment la porte d'entrée sans se retourner.
Dans l'allée, occupée à s'essuyer rageusement les joues, Rosa ne vit pas l'homme qui marchait en sens inverse. Elle lui rentra dedans. L'homme était grand, avec un visage jovial.
- Eh bien, Rosa je présume ! Ça n'a pas l'air d'aller fort... commenta l'inconnu.
Choquée, Rosa eut juste la force de balayer ses mains oppressantes qui maintenaient ses épaules depuis qu'ils s'étaient rentrés dedans.
- Enchanté, je suis Thomas Silb...
Le prétendant, évidemment...
- Oh non mais MERDE à la fin ! lui hurla-t-elle dessus en le repoussant de toutes ses forces. Dégagez, je veux pas vous voir !
Le hasard s'acharnait contre elle décidément. Tant pis, Silbaut avait pris pour ses parents. Mais de toute manière, si ses parents l'appréciaient, il ne pouvait être que quelqu'un de mauvais.
Envahie par trop d'émotions contraires, le besoin de fuir la maison la poussa à courir de toutes ses forces le plus loin possible.

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Effervescence
RomantizmCe qu'elle cherchait, c'était blesser. Mais qui se cache réellement sous cette apparence superficielle et méprisable ? Qui se cache sous cette barrière infranchissable ? A la sortie de l'hôpital psychiatrique où Rosa est internée pour anorexie, la...