Chapitre 57

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- Je suis désolée, je suis désolée... sanglota-t-elle. Je t'ai fait venir alors que tu devais travailler.

- La réunion se terminait, n'y pense plus.

- Je me sens pas bien...

- Je sais, je suis là.

Il lui caressait les cheveux et ça l'apaisait. Elle pleura. Longtemps. Comme si elle vidait son sac. Lorsqu'elle n'eut plus aucune larme à verser, Aras demanda doucement :

- Rosa, il faut que je sache pour te soigner si nécessaire, est-ce que tu t'es coupée ?

Il sentit qu'elle faisait non de la tête et poussa un discret soupir de soulagement. Il était arrivé à temps. Comme il regrettait sa décision de ne pas partager le dîner avec elle, exceptionnellement. Car sa crise ne pouvait être due qu'au fait de cuisiner et de manger seule, non ? Rosa n'avait rien dit et il hésitait à lui demander ce qui s'était passé. Lentement, il chercha à s'extraire du lit mais Rosa resserra sa prise sur sa chemise, prise d'une soudaine panique.

- Ne me laisse pas !

- Je vais juste te chercher un verre d'eau, je reviens tout de suite.

Il attrapa doucement les mains fines de la jeune femme qui rechignait à décrisper ses doigts de sa chemise, pour qu'elle lâche prise. En passant devant la salle de bain, une odeur âcre lui fit plisser le nez. Il s'approcha de la cuvette des toilettes et distingua une tâche pâteuse. Figé, il craignait de comprendre ce que Rosa avait fait. Jamais il n'avait assisté à ce type de crise depuis leur rencontre mais il aurait dû se douter que ça pouvait arriver.

La cuisine était impeccable. Mais dans la poubelle, il aperçut des feuilles de sopalin souillées et, en soulevant des emballages, la tablette de chocolat dévorée. La recette de pâtes qu'il lui avait donnée était pour quatre personnes, afin d'en conserver pour les jours suivants, mais aucun reste dans le frigo. Doublement inquiet, il entreprit d'essuyer à la serpillère le sol des toilettes. Il venait de découvrir une autre facette du trouble alimentaire dont souffrait Rosa. Et il ignorait comment s'y ajuster.

Rosa se redressa brusquement en entendant la chasse d'eau. Avant, elle avait tout un protocole lui permettant de mieux cacher ce qu'elle faisait aux toilettes lors d'une crise. Il faut croire qu'elle avait perdu ses bonnes habitudes avec le temps... Accablée de honte, elle se leva précipitamment. Aras ne devait pas savoir ! Mais elle comprit qu'il était trop tard dès qu'elle croisa son regard. Si elle pouvait s'enfoncer six pieds sous terre...

- Sors s'il-te-plaît... dit-elle le regard baissé. Je ne voulais pas que tu vois ça.

Aras se pinça les lèvres. Doucement, il lui attrapa le menton pour la pousser à croiser son regard. L'expression dévastée de la jeune femme lui serra le cœur. Une grande variété d'émotions passait dans ses yeux, la culpabilité et la honte en premier.

- Et moi je ne veux pas que tu t'inquiètes de ça, dit-il avec autorité. Allez viens.

N'ayant pas la force de résister, elle se laissa faire quand il la poussa à s'asseoir sur le canapé et la couvrit d'un plaid. Il lui donna un verre d'eau.

- Il faudra que tu boives beaucoup les prochaines heures pour éviter la déshydratation.

Elle hocha la tête et grimaça.

- Tu as mal quelque part ? s'inquiéta-t-il.

- Des crampes d'estomac... dit-elle en se crispant un peu plus de douleur. C'est normal, ça va passer.

Normal, il en doutait. Il se leva pour préparer une bouillotte chaude. Elle poussa un soupir de bien-être en sentant la chaleur se répandre sur son ventre. Allongée contre lui, elle se remettait doucement des intenses émotions de la soirée. Il lui caressait les cheveux avec une grande douceur. Aucun autre endroit que dans ses bras ne la faisait se sentir autant en sécurité.

- J'ai l'impression d'être dans les bras de mon ange gardien... murmura-t-elle un léger sourire aux lèvres.

Aras rigola doucement.

- Très honoré d'être ton ange gardien.

Elle fronça alors les sourcils.

- Tu ne devrais pas.

- Et pourquoi donc ?

- Je t'impose quelque chose de lourd lorsque je t'appelle à l'aide, confia-t-elle douloureusement. Tu ne devrais pas avoir à assister à des crises sanguinolentes par exemple. Ça te fait souffrir.

- C'est toi qui souffres le plus.

Elle se redressa pour lui faire face, mécontente.

- Je ne suis pas le centre du monde Aras. Ne crois pas que je ne sais pas que tu endures aussi à chaque fois que je vais mal.

Il soupira. Oui. Oui, il avait mal. Il souffrait le martyr à chaque fois qu'elle pleurait et malmenait son corps déjà fragile. Mais il ne pouvait le lui avouer au risque de la voir culpabiliser encore plus.

- J'apprécie que tu te soucies de moi, sourit Aras. Mais je suis responsable de mes choix, y compris lorsque je choisis de faire entrer quelqu'un dans ma vie et de mon degré d'implication dans cette relation.

L'homme passa une main dans sa chevelure et descendit lentement le long de sa nuque, embrasant sa peau de désir. Puis il déposa ses lèvres sur les siennes. Rosa, timidement d'abord, finit par se laisser aller et ouvrit la bouche pour approfondir leur baiser. Une tension sexuelle la submergea.

Une pointe de déception l'envahit quand il rompit le contact pour la regarder intensément.

- Crois-moi, je suis là de mon plein gré.

Elle le sonda longuement, puis esquissa un large sourire radieux. Poussée par une vague de désir, elle se rapprocha de lui pour un nouveau baiser. Timidement, elle explora son visage puis son cou. Jusqu'à ce que sa chemise l'empêche de continuer.

- Tu peux, l'encouragea Aras, dont l'excitation montait autant que chez elle.

Fébrilement, elle déboutonna le haut et continua son exploration. Il semblait avoir décidé de la laisser mener la danse. Et ça lui plaisait bien. À son tour, elle saisit sa large et la guida pour la poser sur le haut de sa poitrine, par-dessus son tee-shirt manches longues.

- Qu'est-ce que tu m'autorises à faire ? questionna Aras.

Bonne question.

- Je ne sais pas trop... Des caresses pour l'instant. Mais j'ai peur de mal réagir sur certaines parties du corps.

- On peut aller doucement et tu m'arrêtes dès que ça ne va pas ?

Elle hocha la tête, à la fois anxieuse et impatiente.

EffervescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant